Milan Kundera, L'Immortalité
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Milan Kundera, L'Immortalité
Le narrateur écrit un roman
Quand je me suis réveillé, il était déjà presque huit heures et demie ; j'imaginai Agnès.
Comme moi, elle est allongée dans un grand lit. La moitié droite du lit est vide. Qui est le
mari ? Apparemment, quelqu'un qui sort de bonne heure le samedi. C'est pourquoi elle est
seule et, délicieusement, balance entre réveil et rêverie.
Puis elle se lève. En face, sur un long pied, un téléviseur se dresse. Elle lance sa
chemise, qui vient recouvrir l'écran d'une blanche draperie. Pour la première fois je la vois
nue, Agnès, l'héroïne de mon roman. Elle se tient debout, près du lit, elle est jolie, et je ne
peux la quitter des yeux. Enfin, comme si elle avait senti mon regard, elle s'enfuit dans la
pièce voisine et s'habille.
Qui est Agnès ?
De même qu'Eve est issue d'une côte d'Adam, de même que Vénus est née de l'écume,
Agnès a surgi d'un geste de la dame sexagénaire, que j'ai vue au bord de la piscine saluer de
la main son maître nageur et dont les traits s'estompent déjà dans ma mémoire1. Son geste a
alors éveillé en moi une immense, une incompréhensible nostalgie, et cette nostalgie a
accouché du personnage auquel j'ai donné le nom d'Agnès.
1 Quelques pages auparavant, le narrateur écrit : « Ce sourire, ce geste, étaient d'une femme de vingt ans. »
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- Dans L'Immortalité (Gallimard, 1990), un personnage de Milan Kundera déclare : La tension dramatique, c'est la véritable malédiction du roman parce qu'elle transforme tout, même les plus belles pages, même les scènes et les observations les plus surprenantes, en une simple étape menant au dénouement final, où se concentre le sens de tout ce qui précède. Dévoré par le feu de sa propre tension, le roman se consume comme une botte de paille. Vous confronterez à cette affirmation votre pro
- En janvier 1976, lors de la parution de son roman, La Valse aux adieux, l'écrivain tchèque Milan Kundera déclarait : « Dans la vie, l'homme est continuellement coupé de son propre passé et de celui de l'humanité. Le roman permet de soigner cette blessure. » L'opinion de Kundera sur la fonction de l'oeuvre romanesque rejoint-elle votre expérience personnelle de lecteur ?
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- «l'esprit du roman est l'esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur : les choses sont plus compliquées que tu ne le penses. » Vous commenterez et au besoin discuterez ces lignes de Milan Kundera (l'Art du roman, 1986) ?
- l'esprit du roman est l'esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur : Les choses sont plus compliquées que tu ne penses. Milan Kundera, l'Art du roman. En vous fondant sur votre expérience de lecteur de romans et de nouvelles, vous expliquerez en quoi vous rejoignez ce propos de Milan Kundera ?