Molière, L'École des femmes, Acte III, scène 4
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Molière, L'École des femmes, Acte III, scène 4
HORACE
...Un trait hardi qu'a fait cette jeune beauté,
Et qu'on n'attendrait point de sa simplicité.
Il le faut avouer, l'Amour est un grand maître ;
Ce qu'on ne fut jamais, il nous enseigne à l'être,
Et souvent de nos moeurs l'absolu changement
Devient par ses leçons l'ouvrage d'un moment.
De la nature en nous il force les obstacles,
Et ses effets soudains ont de l'air des miracles.
D'un avare à l'instant il fait un libéral,
Un vaillant d'un poltron, un civil d'un brutal ;
Il rend agile à tout l'âme la plus pesante
Et donne de l'esprit à la plus innocente.
Oui, ce dernier miracle éclate dans Agnès
Car, tranchant avec moi par ces termes exprès :
"Retirez-vous, mon âme aux visites renonce
Je sais tous vos discours, et voilà ma réponse".
Cette pierre ou ce grès dont vous vous étonnez
Avec un mot de lettre est tombée à mes pieds ;
Et j'admire de voir cette lettre ajustée
Avec le sens des mots et la pierre jetée.
D'une telle action n'êtes-vous pas surpris?
L'Amour sait-il pas l'art d'aiguiser les esprits?
Et peut-on me nier que ses flammes puissantes
Ne fassent dans un coeur des choses étonnantes?
Que dites-vous du tour et de ce mot d'écrit?
Euh! n'admirez-vous point cette adresse d'esprit?
Trouvez-vous pas plaisant de voir quel personnage
A joué mon jaloux dans tout ce badinage?
Dites.
ARNOLPHE
Oui, fort plaisant.
HORACE
Riez-en donc un peu.
(Arnolphe rit d'un ris forcé.)
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