Molière, Tartuffe, Acte I, scène 5
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Molière, Tartuffe, Acte I, scène 5
Orgon
Ha! si vous aviez vu comme j'en fis rencontre,
Vous auriez pris pour lui l'amitié que je montre,
Chaque jour à l'église il venait, d'un air doux,
Tout vis-à-vis de moi se mettre à deux genoux,
Il attirait les yeux de l'assemblée entière
Par l'ardeur dont au Ciel il poussait sa prière;
Il faisait des soupirs, de grands élancements,
Et baisait humblement la terre à tout moments;
Et lorsque je sortait, il me devançait vite,
Pour m'aller à la porte m'offrir de l'eau bénite.
Instruit par son garçon, qui dans tout l'imitait,
Et de son indigence, et de ce qu'il était,
Je lui faisait des dons; mais avec modestie
Il me voulait toujours en rendre une parties.
"C'est trop, me disait-il, C'est trop de la moitié;
Je ne mérite pas de vous faire pitié";
Et quand je refusais de le vouloir reprendre,
Aux pauvres, a mes yeux; il allait le répandre.
Enfin le Ciel chez moi me le fît retirer,
Et depuis ce temps là tout semble y prospérer.
Je vois qu'il reprend tout, et qu'à ma femme même
Il prend, pour mon honneur, un intérêt extrême;
Il m'avertit des gens qui lui font les yeux doux,
Et plus que moi six fois il s'en montre jaloux.
Mais vous ne croiriez point jusqu'ou monte son zèle:
Il s'impute à péché la moindre bagatelle;
Un rien presque suffit pour le scandaliser;
Jusque-là qu'il se vint l'autre jour accuser
D'avoir pris une puce en faisant sa prière,
Et de l'Avoir tuée avec trop de colère.
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