Montaigne, Essais, I, 31
Extrait du document
Montaigne, Essais, I, 31
Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usages du pays où nous sommes. Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages. En ceux-là sont vives et vigoureuses les vraies et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant, la saveur même et délicatesse se trouve à notre goût excellente, à l'envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées à sans culture. Ce n'est pas raison que l'art gagne le point d'honneur sur notre grande et puissante mère Nature. Nous avons tant rechargé la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l'avons du tout étouffée. Si est-ce que, partout où sa pureté reluit, elle fait une merveilleuse honte à nos vaines et frivoles entreprises
Liens utiles
- Sujet : Dans le premier livre des Essais, Michel de Montaigne explique, que, pour se former, il faut « frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui ». En quoi peut-on dire que l’humanisme, à la Renaissance, se caractérise par une ouverture à l’autre, une interrogation sur l’autre ?
- MONTAIGNE - Essais - Livre III, 2.
- MONTAIGNE: Les Essais - XVI, De la gloire, extrait p.289
- Montaigne, "Essais", "Des coches", Livre III, Chapitre 6 : "Notre monde vient d'en trouver un autre…"
- Albert THIBAUDET note au sujet de MONTAIGNE : Il a haï les révolutions, et cependant c'est par l'esprit et l'action révolutionnaire du XVIIIe siècle que la pensée de Montaigne est devenue chair, que l'homme selon les « Essais » a été appelé à la vie. L'oeuvre a été plus révolutionnaire que l'homme. Elle a été révolutionnaire à contresens de l'homme. En partant de cette réflexion, vous direz sur quels points et dans quelle mesure l'oeuvre de MONTAIGNE vous paraît annoncer celle des « ph