MONTAIGNE: Les Essais - XVI, De la gloire, extrait p.289
Extrait du document
«
Dans cet extrait, Montaigne expose une thèse qui va contre le désir de gloire: on ne peut juger un homme selon
les « apparences extérieures » que lui confère l'opinion publique, car ce serait négliger l'instabilité qui les
caractérise.
Ce passage est situé au centre de l'Essai, entre un mouvement dévaluant le jugement public (p.288) et
un autre critiquant la recherche de l'honneur (p.290-291).
Il s'inscrit donc dans un logique démonstrative à l'échelle
de l'Essai De la gloire, mais il possède également son déroulement propre.
Ce passage illustre un procédé récurrent
dans les Essais : une réflexion indépendante dans sa forme, mais au cœur d'un raisonnement général.
Comment Montaigne parvient-il à nous convaincre que le discours est instable, insaisissable, lorsque lui-même
n'utilise que des procédés d'écriture logiques et rhétoriques ?
Plan du texte :
1)
« Je ne me souci pas…mes contenances.
»
2)
« On a raison…tremble au-dedans.
»
3)
« Et qui auroit l'usage…fin citation »
4)
« Voylà…soy-mesme ».
1)
Phrase1 : peu importe l'image qui transparaît dans l'opinion publique, le plus important est de conserver sa vertu
intérieure.
Montaigne s'implique lui-même dans cette affirmation : 4fois « Je », 2 possessifs : « me ».
« Pas tant (…)
comme » figure d'insistance sur la proposition à venir : effet encore augmenté par l'anaphore : « je ne me soucie ».
La première partie de la phrase est donc faite pour mettre en valeur la seconde.
« Autruy » est opposé par sa place
dans la phrase, et par sons sens, à « moy-mesme ».
La première phrase annonce donc la dualité qui traverse le
passage : public/personnel.
Phrase2 : la richesse intérieure s'acquiert non par la gloire, mais par un travail sur soi.
« Emprunt » signifie
tromperie, mensonge, en d'autres termes : vouloir être vertueux uniquement en public.
A nouveau, « moy »
(singulier) s'oppose à « emprunt » (autrui).
Forte présence du « je » accentue la volonté : « je veux »,
détermination convaincante pour le lecteur.
Phrase courte, style concis : « Je veux…., non… ».
Clarté du propos
accentuée par l'affirmation, et inversement.
Phrase3 : l'opinion publique ne retient de vous que l'apparence de vos actions (en opposition à l'âme vraie), il est
facile de paraître vertueux, mais bien moins de l'être réellement.
Opposition être et paraître (continuelle dans les
Essais).
« Les estrangers » désignent le public, métaphore : étrangers au pays intérieur de Montaigne, personne ne
peut franchir la frontière de l'intimité.
Figure restrictive « ne voient que… » (Ils n'étaient déjà plus des hommes,
« estrangers », mais en plus leur vision est tronquée, biaisée).
« Apparences externes », presque un pléonasme :
insiste poids des préjugés, redondance du jugement hâtif.
« Chacun » terme généralisant, la leçon à venir est une
règle de conduite générale : implique ainsi le lecteur.
« Dehors » opposé à « dedans » (la dualité continue à être
rappelée avec insistance).
« Fiebrve et d'effroy » la mollesse de l'âme, le désir de gloire quand on ne la mérite pas.
Cette phrase est presque une mise en garde : « chacun peut… » Attention lecteur, les hommes faux sont partout.
Phrase4 : Montaigne se sent mal jugé : son image sociale est en décalage avec son être.
Le cœur symbolise l'âme,
les contenances sont les actions publiques.
« Ils », impersonnel, indéfini pluriel, condamne l'écrivain : à « ils » il
associe le négatif « ne » par deux fois ; à lui-même il associe des possessifs pour accentuer le contraste avec sa
singularité.
2)
Phrase1 : la guerre suscite beaucoup de tromperies, la gloire s'y rencontre pour de mauvaises raisons, pour une
vaillance feinte par exemple.
Fin de l'emploi du « je », avec impersonnalité, plus vague : « on ».
Paradoxal : « on »
implique l'opinion générale, (« raison » = bon sens) pourtant précédemment elle était toujours faussée… acceptable
uniquement quand Montaigne est d'accord avec ? « Hypocrisie », qui porte un masque : monde du paraître (réf.
acteur).
La guerre est censée être le théâtre du courage, pourtant les guerriers se comportent (étymologiquement)
comme des acteurs, contrefont la bravoure au profit du paraître sociale, de l'honneur qu'ils peuvent tirer de leurs
actions.
Montaigne prend de la distance par rapport à eux : impersonnel « un homme », « le cœur plein de
mollesse » (signifie : l'âme non vertueuse); les verbes à l'infinitif accentuent l'absence d'implication de l'écrivain.
Il
utilise trois propositions au sens presque égal pour qualifier la couardise déguisée en gloire : « gauchir aux.
»
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