Montesquieu et les Lettres Persanes
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LA JEUNESSE DE MONTESQUIEU (1689-1721)
Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, est né au château de la Brède, entre Périgueux
et Bordeaux.
Il appartient à une famille de parlementaires.
Il fait de solides études chez les Oratoriens de Juilly,
puis il étudie le Droit.
En 1716, il est président à mortier au Parlement de Guyenne; mais il manifeste peu d'intérêt
pour ses fonctions.
Afin de se distraire, il donne dans le goût du temps pour l'érudition et pour les recherches
scientifiques : il rédige pour l'Académie de Bordeaux, dont il est membre, une Dissertation sur la politique des
Romains dans la religion, puis des mémoires Sur les causes de l'écho, Sur l'usage des glandes rénales, Sur le flux
et le reflux de la mer...
Surtout, il se délasse en écrivant secrètement une sorte de roman oriental par lettres, qui
parut en 1721, à Amsterdam, sous le voile de l'anonymat : ces Lettres persanes connurent d'emblée un succès
considérable.
LES LETTRES PERSANES (1721)
L'Orient était fort à la mode, en France, depuis environ cinquante ans; Montesquieu se
souvient de plusieurs ouvrages qui avaient vivement intéressé le public : Les Amusements sérieux
et comiques d'un Siamois à Paris, par Dufresny (1707); les récits de voyages de Tavernier (1676-1719) et
Chardin (i 71 i); la traduction par Galland des Mille et une Nuits (1704-1717).
Il imagine que deux Persans, Usbek
et Rica, visitent l'Europe, en particulier la France : les deux voyageurs écrivent leurs impressions à leurs
compatriotes, qui les tiennent au courant de ce qui se passe en Perse.
Le genre de la lettre permettait à
Montesquieu de passer avec désinvolture d'un sujet à l'autre et de présenter tour à tour des aspects variés de son
souple talent.
Le roman libertin.
Une intrigue de harem constitue la trame de l'ouvrage.
En l'absence du respectable Usbek, le
grand eunuque noir a toutes sortes de difficultés avec le sérail de son maître.
En donnant ainsi aux Lettres
persanes un aspect licencieux, Montesquieu ne cédait pas seulement au goût du temps : il faisait passer sans trop
de risque des attaques hardies contre le régime qu'on n'aurait pas tolérées dans un écrit d'apparence plus
sérieuse.
La peinture des moeurs.
Les Lettres persanes contiennent toute une galerie de portraits, à la façon de La Bruyère, mais dessinés
avec plus de mouvement et de bonne humeur : le fermier d'impôts, le poète famélique, le vieux guerrier (lettre 48); le grand seigneur,
l'homme à bonnes fortunes, le nouvelliste; le décisionnaire (lettre 72).
Elles évoquent aussi des scènes de la vie parisienne : le lecteur
est promené d'un café où l'on se querelle à propos d'Homère jusqu'à un salon où de beaux esprits vantent réciproquement leurs
mérites; des Tuileries où s'étale la badauderie parisienne jusqu'à l'Académie française, « ce corps à quarante têtes toutes remplies de
figures, de métaphores et d'antithèses ».
La satire des institutions.
Enfin un grand nombre de lettres touchent à des questions religieuses, morales ou
politiques.
Montesquieu ne respecte rien : son ironie s'exerce à propos du pape, comme à propos du roi,
représenté sous l'aspect d'un despote oriental.
Il aborde avec une hardiesse inaccoutumée le problème du divorce
(lettre 116) ou de la dépopulation (lettre 117).
Il expose ses idées sur les colonies, sur l'esclavage, sur les lois; il
esquisse, dans son tableau allégorique des Troglodytes, le portrait d'une république idéale fondée sur la vertu
(lettres i i à 14).
Ces pages contiennent les germes d'idées maîtresses, qui s'épanouiront dans L'Esprit des Lois.
L'ORIGINALITÉ DES LETTRES PERSANES
Les Lettres persanes présentent des aspects profondément originaux.
D'abord Montesquieu inaugure une méthode
nouvelle; il étudie, non plus l'homme en général, mais des hommes considérés en particulier et différents selon
les latitudes : « C'est bien la même terre qui nous porte tous deux, écrit Rica à son ami Ibben, mais les hommes
du pays où je vis et ceux du pays où tu es sont des hommes bien différents.
» En outre, il aborde des sujets
nouveaux : loin de s'en tenir, comme on le faisait au siècle précédent, à des discussions littéraires ou à la satire
sociale, il pose les problèmes les plus graves, sape sans avoir l'air d'y toucher des principes encore indiscutés,
formule des théories, suggère des réformes.
Enfin, la forme même est nouvelle : déjà La Bruyère avait substitué
à la période oratoire la phrase courte et incisive; avec Montesquieu, l'expression gagne encore en vivacité légère
et spirituelle, et une ironie corrosive commence à se donner carrière.
LE VOYAGE DE MONTESQUIEU
Après la publication des Lettres persanes, Montesquieu est accueilli dans les milieux les plus brillants.
Il fréquente
le Club de l'Entresol, le salon de Mme de Lambert; il écrit un ouvrage léger, Le Temple de Gnide, confession
sentimentale à peine voilée (1725).
En 1726, cependant, il se démet de sa charge pour se consacrer à ses
travaux.
De plus en plus, il s'intéresse à l'étude des constitutions politiques.
Soucieux de confronter ses
connaissances livresques avec la réalité, il entreprend de 1728 à 1731 un grand voyage à travers l'Europe.
Montesquieu visite d'abord l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, la Suisse et la Hollande.
A La Haye, il entre en relation avec Lord
Chesterfield et, en octobre 1729, il s'embarque avec lui pour l'Angleterre.
A Londres, il est présenté à la Cour, fréquente les milieux
aristocratiques et se fait recevoir comme membre de la Royal Society.
Il lit les journaux anglais; il assiste assidûment aux séances des
deux chambres ; il étudie avec lucidité le mécanisme d'une constitution grâce à laquelle, selon la formule de son ami Chesterfield, « les
lois établies empêchent également la monarchie de dégénérer en tyrannie et la liberté en licence ».
Il note ses observations, compare,
tire des conclusions.
Son séjour de deux ans en Angleterre enrichit sa pensée et lui fournit les matériaux indispensables à l'élaboration
du grand ouvrage qu'il médite déjà, L'Esprit des Lois..
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