Octavio Paz
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Octavio Paz
En dix ans, le nom d'Octavio Paz a franchi les limites de son pays et s'est imposé à travers le monde comme celui d'un des
grands poètes actuels.
Né à Mexico, en pleine révolution, d'un père avocat qui s'était fait l'ardent-défenseur du leader
paysan Zapata, ses études à peine achevées Paz publia à dix-neuf ans, en 1933, son premier livre de poèmes, à l'époque
où les écrivains du groupe "Contemporaneos", principalement Villaurutia et Gorostiza, prônaient une poésie de la solitude,
fermée sur elle-même.
Pour réagir contre cette "poésie pure", Paz fonda la revue "Taller Poetico", bientôt transformée en
"Taller", autour de laquelle se groupèrent les écrivains mexicains préoccupés par les questions sociales aussi bien
qu'artistiques.
Lorsqu'il viendra pour la première fois en Europe, à Valence et à Barcelone, ce sera pour vivre l'aventure, la
déception et le drame des républicains espagnols.
Ce voyage sera en même temps pour lui l'occasion de prendre contact
avec les surréalistes, en particulier avec André Breton et Benjamin Péret dont l'oeuvre et les prises de position exercèrent
sur lui une indéniable influence.
De retour dans son pays, il partage son existence entre la politique et la poésie, séjourne plusieurs mois dans le Yucatan,
terre désolée où vivent misérablement les Mayas, y compose un vaste poème : Entre la Pierre et la Fleur.
Depuis, il a
successivement représenté son pays à Los Angeles, à Paris, au Japon et est actuellement ambassadeur en Inde.
S'il a pu écrire : "Quand dort l'Histoire, le poète parle en rêve : sur le front du peuple, le poème est une constellation de
sang.
Lorsque s'éveille l'Histoire, l'image se fait acte, le poème s'accomplit", montrant ainsi que le poète est engagé dans
l'époque qui est la sienne, Paz s'est fait également le chantre des amants qui, sous les bombes, s'enlacent "pour défendre
leur part d'éternité" et ainsi "franchissent le temps et sont invulnérables".
Il a également assigné pour mission au poète
de "mériter ce qu'il rêve" et consacré tout un livre au problème de la solitude.
On voit ainsi que son oeuvre est à double
face, possède deux versants qui parfois s'unissent et se rejoignent.
Le jeune poète qui s'était élevé contre la poésie de la
solitude s'est retrouvé plus tard face à face avec cette solitude.
Mais il ne s'agissait plus pour lui de l'isolement du seul
poète mais de celui de tout un peuple, et non de le cultiver comme une fleur rare mais de l'assumer comme angoisse, de le
connaître, de le pénétrer pour le transcender.
C'est ce qu'il appelle précisément la dialectique de la solitude dans l'étude la
plus pertinente et la meilleure analyse qu'on ait écrite sur le Mexique, et l'esprit des Mexicains : El laberinto de la soledad.
Le Mexicain et l'homme contemporain se trouvent seuls, non pas seuls comme un saint Jean de la Croix ou un Pétrarque
qui trouvaient dans cet isolement matière à s'enrichir, mais d'une solitude plus tragique : "Nous sommes orphelins, nous
avons l'obscure conscience d'avoir été arrachés au Tout, et notre quête est ardente : fuite et retour, tentative pour
rétablir les liens qui nous unissaient à la création."
L'Homme, "moitié perdue", part à la recherche de la totalité de son être.
Paz ne pense pas que l'on puisse trouver
toujours cette totalité.
Il pense, cependant, que les opposés se rejoignent dans certaines expériences privilégiées : celle
de l'image poétique et celle de l'amour.
Plus récemment, dans son brillant recueil d'essais sur le langage et sur la poésie,
El arco y la lira (l'Arc et la Lyre) le titre devrait suffire à nous rappeler Héraclite et son intention d'unir les contraires Paz
ajoutera à ces deux expériences celle du sacré.
Faut-il aller au-delà de soi-même pour retrouver la communion et la communication ? Paz pense plutôt, et Paz nous le dit
dans ses splendides poèmes, tous réunis récemment sous le titre Libertad bajo palabra (Liberté sur parole) et
Salamandra, que la communication se réalise lorsque nous nous retrouvons par l'image, au coeur de l'amour et dans
l'expérience du sacré en nous-mêmes.
La lecture d'une oeuvre poétique, si cette oeuvre est authentique, nous fait revenir en nous, nous lie à nous-mêmes et à
autrui.
Seuls et unis, perdus et regagnés, nous pouvons vivre "nuestra racion de tiempo y paraiso".
L'expérience poétique
est pour Paz, et dans le sens le plus fort du mot, une expérience de "conversion".
Paz nous dit que notre vie prend un
sens si nous sommes capables de nous lancer hors de nous pour nous retrouver dans l'expérience d'autrui.
Se connaître
soi-même ? Plus que cela : se vivre soi-même convertis authentiquement en ce que nous sommes : "Et le fleuve modifie
son cours, replie ses voiles, rassemble ses images et s'enferme en lui-même."
Enfin, Paz a abouti à la notion de "solitude ouverte" et de ce fait universelle : "Dans cette solitude ouverte, nous attend
aussi la transcendance : les mains des autres solitaires.
Nous sommes, pour la première fois de notre histoire,
contemporains de tous les hommes."
En 1963, Octavio Paz a obtenu le Prix International de Poésie décerné à Knokke, en Belgique.
Ce prix n'ajoute rien à son
oeuvre.
Il prend cependant valeur de symbole : Octavio Paz, poète et prosateur comme seuls peuvent réussir à être
prosateurs les plus hauts poètes, est aussi l'un des trois ou quatre plus grands écrivains de l'Amérique latine du XXe
siècle, avec Neruda, Asturias et Borges.
Son oeuvre a été traduite en plusieurs langues (anglais, allemand, suédois,
italien).
En France, le poète surréaliste Benjamin Péret a donné une version remarquable du poème Piedra de sol (Pierre
de soleil), composé à Mexico en 1957 et Jean-Clarence Lambert a successivement traduit sous le titre Aigle ou Soleil ? un
choix de poèmes et sous celui de Labyrinthe de la solitude son essai sur le Mexique.
Le plus récent recueil d'Octavio Paz
s'intitule Salamandre et date de 1963..
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