Odilon-Jean PÉRIER (1901-1928) (Recueil : Le corps fermé) - Le corps fermé comme une jeune rose
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Odilon-Jean PÉRIER (1901-1928) (Recueil : Le corps fermé) - Le corps fermé comme une jeune rose Le corps fermé comme une jeune rose Celle qu'Amour ne désunissait pas Qui disposait pour nous entre les choses L'oeuvre excellente et pure de ses pas Dont les cheveux donnaient le goût de vivre Et dont les mains faisaient le pain doré - N'était-ce rien qu'un instant d'équilibre Par un miracle au hasard préservé ? Pour un sourire elle consent au monde Elle s'accorde ou se rompt au plaisir, Toute inclinée et mêlée à son ombre Le corps défait par un pauvre désir Mais qui l'avait de neige couronnée Comme il la tient perdue entre ses bras Ayant goûté sa bouche humiliée Amèrement s'en détache et s'en va Il s'en va seul, ruiné, regrettant son courage. Il voit de grosses mains se poser sur ses dieux Les dames se repeindre et rire les messieurs L'or aux dents, le soleil au milieu du visage Il voit de beaux enfants rayonnants de jeunesse Tendrement sous les bras saisissant une chair Donner de leur substance à des femmes ouvertes Et chercher de l'amour dans ces ventres déserts Il voit briller l'éclair sur les maisons du monde, Les morts en habit noir dans les fêtes de nuit, Les lâches, les tricheurs, enfermés par la honte, Que le jour du seigneur trouve nus dans leur lit Il voit se dénouer le choeur des jeunes filles Celle-ci recevoir un baiser triste et bas, Celle-là prisonnière aux genoux d'une amie, Cette autre douce-ardente, et seule, dans ses bras. Il voit le peuple humain s'enivrer de soi-même. - Qu'il montre sa blessure, on y met un baiser - Mais comment pourrait-il accepter ce qu'ils aiment ? Il veut pour sa patrie un sol immaculé Les arbres parlent seuls dans le vent de la ville Ils gardent leurs secrets, ils perdent leurs oiseaux - Mais on fait ce qu'on veut de leur force immobile Et leurs maîtres les ont plantés sur des tombeaux La mer toute-puissante, aujourd'hui blanche et noire Laisse trop de vivants parcourir sa beauté ; Ils font leurs pauvres tours au milieu de sa gloire Elle brille, s'élance - et se couche à leurs pieds Le ciel même se voit expliquer par la terre : Ses étoiles ne sont que des mondes mortels Le visage de l'homme arrête la lumière Il regarde en riant l'équilibre du ciel Partout tombe, s'agite, et parle cette bande. Celui qui se refuse et veut se passer d'eux Comme un joueur ruiné prisonnier dans sa chambre N'a plus qu'à se remettre entre les mains de Dieu - Il compose des vers mystérieux et sages, Lentement, pleins de sens et de sérénité - Puis se couche et s'endort, ayant fait son ouvrage Et repris dans son corps le pouvoir de chanter. - Beaucoup plus tard, un jour sans tache, un jour sans ombre - Beaucoup plus tard un air d'eau neuve, un oiseau blanc... L'homme s'éveille, et s'émerveille, et vient au monde, Et laisse aller en liberté son coeur battant... Que de beauté ! Les arbres font leur grand murmure, La mer et le soleil du matin sont unis... Voici le ciel dans les chemins de l'aventure Voici cet homme - et son amour est devant lui
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