« On écrit son autobiographie pour se remettre au monde soi-même» : comment comprenez-vous cette phrase de Philippe Lejeune ? Vous développerez votre propos dans un devoir argumenté.
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«
« On écrit son autobiographie pour se remettre au monde soi-même.
» : comment comprenez-vous
cette phrase de Philippe Lejeune ? Vous développerez votre propos dans un devoir argumenté.
Analyse du sujet et problématisation :
Ce sujet porte sur la finalité de l'écriture autobiographique.
L'autobiographie est un récit dans lequel une personne raconte sa propre vie.
Dans Le Pacte
autobiographique, Philippe Lejeune la définit comme un « récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa
propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité.»
Philippe Lejeune, dans notre sujet, envisage l'autobiographie comme une renaissance, une nouvelle naissance
produite par l'autobiographe qui, par un retour rétrospectif sur son existence se met au monde lui-même.
L'expression « se remettre au monde soi-même » fait allusion à l'accouchement, à la venue au monde d'un être neuf.
Problématique : En quoi l'écriture autobiographique peut-elle aboutir à une nouvelle naissance ?
Envisager l'autobiographie comme aboutissant à une renaissance, c'est l'envisager comme un véritable projet
initiatique.
I)
L'autobiographie : une mise à nu de soi
« Se remettre au monde soi-même » c'est d'abord se mettre à nu, tel un nouveau né : l'autobiographie
permet cette mise à nu de soi qui se présente comme un travail difficile.
1)
La démarche autobiographique : une démarche rétrospective
L'autobiographie se présente d'abord comme une démarche rétrospective, c'est-à-dire comme une tentative
de remontée au plus profond de ses souvenirs, l'idéal étant la remontée jusqu'à la naissance.
La démarche
autobiographique est une démarche génétique ; l'autobiographe cherche à réaliser sa propre genèse.
Ce travail de
remémoration s'avère très difficile du fait du caractère flou de la mémoire.
Sur ce point on peut se référer à
l'entreprise Gidienne dans Si Le grain de meurt :
J'écrirai mes souvenirs comme ils viennent, sans chercher à les ordonner.
Tout au plus
les puis-je grouper autour des lieux et des êtres ; ma mémoire ne se trompe pas souvent de
place ; mais elle brouille les dates; je suis perdu si je m'astreins à de la chronologie.
Ainsi, plusieurs stratégies peuvent être mises en place par les autobiographes pour parvenir à la mise à nu de
soi la plus pure : soit une genèse chronologique permise par un effort difficile de mémorisation ou par la collecte de
témoignages ( ex : Histoire de ma vie de George Sand) , soit une genèse fondée sur le choix, dans le flux de
souvenirs, de quelques évènements marquant sans chercher à les chronologiser.
2)
L'impératif de sincérité
Se mettre à nu pour se remettre au monde implique un impératif de sincérité, impératif présent dans le pacte
autobiographique.
Il s'agit de tout raconter sans mentir ni occulter les actions les plus viles.
Il ne faut pas mentir au
lecteur et surtout, ne pas se mentir à soi-même pour réussir à se mettre véritablement à nu.
On peut examiner ici le
pacte autobiographique de Rousseau dans Les Confessions qui revendique cette sincérité : l'auteur affirme son
projet de dire toute la vérité sur sa vie, de raconter ses faiblesses comme il racontera ses moments de gloire.
II)
L'autobiographie : une forme d'exorcisme
1)
L'écriture autobiographique : une libération des fardeaux du passé
Par l'écriture, l'autobiographe peut se libérer de certains fardeaux étouffants qui l'empêchent de vivre
pleinement.
L'écriture autobiographique est une forme d'exorcisme des fantômes du passé.
Elle peut être
appréhendée comme une thérapie purificatrice.
Ex : Les autobiographies des anciens détenus des camps de concentration ( Primo Lévi, Jorge Semprun…) :
écrire permet d'exorciser les horreurs vécues dans le passé et de pouvoir songer à une nouvelle vie possible dans
l'avenir.
L'écriture autobiographique s'avère donc une forme de catharsis personnelle agissant directement sur
l'autobiographe : elle le purge de ses passions ( au sens premier de « ce qu'il a subit ») et lui permet de renaître en
homme neuf, disposé à vivre une nouvelle vie.
2)
Ecrire son autobiographie : se soumettre au jugement du lecteur
Le lecteur est un tiers qui va inévitablement porter un jugement sur l'expérience personnelle narrée dans une
autobiographie.
Du fait de la présence de ce lecteur-juge, l'autobiographie peut être une grande entreprise de
justification par l'auteur de ses actes parfois condamnables.
Il s'agira donc d'exorciser, en les avouant, ses pêchés
afin de renaître neuf, comme après une confession.
(cf.
Rousseau).
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