Pagnol, La Gloire de mon père.
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Pagnol, La Gloire de mon père.
Les écoles normales primaires étaient à cette époque de véritables séminaires, mais l'étude de la théologie y était remplacée par des cours d'anticléricalisme.
On enseignait à ces jeunes gens que l'Eglise n'avait jamais été rien d'autre qu'un instrument d'oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c'était de nouer sur les yeux du peuple le noir bandeau de l'ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.
La mauvaise foi des "curés" était d'ailleurs prouvée par l'usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles ignorants, la vertu perfide des formules magiques.
La papauté était dignement représentée par les deux Borgia, et les rois n'étaient pas mieux traités que les papes : ces tyrans libidineux ne s'occupaient guère que de leurs concubines quand ils ne jouaient pas au bilboquet ; pendant ce temps, leurs "suppôts" percevaient des impôts écrasants, qui atteignaient jusqu'à dix pour cent des revenus de la nation.
C'est-à-dire que les cours d'histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine.
Je n'en fais pas grief à la République : tous les manuels d'histoire du monde n'ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements.
Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande révolution avait été une époque idyllique, l'âge d'or de la générosité, et de la fraternité poussée jusqu'à la tendresse : en somme, une explosion de bonté.
Je ne sais pas comment on avait pu leur exposer – sans attirer leur attention – que ces anges laïques, après vingt mille assassinats suivis de vol, s'étaient entreguillotinés eux-mêmes.
Il est vrai, d'autre part, que le curé de mon village, qui était fort intelligent, et d'une charité que rien ne rebutait, considérait la Sainte Inquisition comme une sorte de conseil de famille : il disait que si les prélats avaient brûlé tant de juifs et de savants, ils l'avaient fait les larmes aux yeux, et pour leur assurer une place au paradis.
Telle est la faiblesse de notre raison : elle ne sert le plus souvent qu'à justifier nos croyances.
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