Paul VERLAINE (1844-1896) (Recueil : Poèmes saturniens) - Après trois ans
Extrait du document
«
Premier commentaire (informé)
1) Un manifeste anti-romantique
Thème du retour sur les lieux d'un bonheur (?), d'un amour (?).
La nature n'a pas changé.
On regarde les choses les
unes après les autres, à la recherche de quoi? Que reste-t-il de l'amour? Rien, réponse probable, et le symbole en est
alors la Velléda de plâtre, qui s'écaille au bout de l'avenue, figure peut-être de la vie, du chemin de la vie.
Velléda,
héroïne de Chateaubriand (les Martyrs), symbole de la passion, n'est plus qu'une décoration pour jardin.
Double thème
donc : les choses sont restées semblables (juste un peu dégradées) et le sentiment est mort (ou à demi).
Cf.
Colloque
Sentimental dans les mêmes Poèmes Saturniens :
Qu'il était grand le ciel et bleu l'espoir! L'espoir a fui, vaincu sous le ciel noir.
C'est de l'anti-Hugo : « Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas », chez qui le triomphe de la nature est équilibré
par le triomphalisme de l'amour , i, et l'affirmation d'un pérennité humaine.
2) Les moyens de l'anti-romantisme
a) La miniaturisation.
— le genre romantique était l'ode ou la méditation.
Verlaine écrit un sonnet ;
— le paysage naturel est réduit au jardin (lieu clos), tout est minuscule ici : petit jardin, humble tonnelle, et familier;
— intimisme : on passe du romantisme à l'intimisme comme on est passé de la peinture du xviie à Watteau —
l'inspirateur, précisément, des Fêtes galantes de Verlaine, qui suivent les Poèmes saturniens;
— bruits légers : murmure argentin, plainte du tremble'; palpitation, sautillement de l'alouette;
— la versification : Hugo pratique la coupe classique 6/6 : « Il voulut tout revoir : / l'étang près de la source, / La
masure où l'aumône / avait vidé leur bourse ».
Verlaine utilise les rejets, les coupes dissymétriques : vers 8, 9, 11 (5 +
4 + 3), et quand il se sert du trimètre romantique ce n'est pas pour des effets d'éloquence comme chez Hugo : « Car
je vais te tuer, Monseigneur, vois-tu bien, / Comme un infâme, / comme un lâche, comme / un chien » (Ruy Blas), mais
pour déséquilibrer le vers, donner à l'alexandrin une allure de vers impair, et pour rompre avec la symétrie satisfaisante
delà coupe à l'hémistiche.
Le seul vers parfaitement conforme à la tradition est le vers 10; c'est aussi le plus extérieur
au poème (un vrai vers « pompier »).
b) Les symboles
— Verlaine dit Je, mais Olympio Il (et parle constamment de lui à la troisième personne).
Héroïsation d'Olympio.
Simplicité du Je.
— la porte étroite : fragile, modeste (chez Hugo un portail); intimité et fermeture.
S'il s'agit d'enfermer un bonheur ou
un souvenir, l'espace est minuscule.
A Hugo, il faut l'univers.
— la lumière faible : dans Olympio, c'est le grand soleil, dont le parcours dans le ciel est homologue au parcours du
héros dans la nature.
Ici pas de mythe solaire.
— j'ai tout revu : Hugo écrit : « Il erra tout le jour.
» Le temps resserré d'un côté, la longueur épique de l'autre.
— Vigne folle, tonnelle : prosaïsme et discrétion.
Mais la vigne peut faire image pour la passion légère et folle
d'autrefois.
— la Velléda qui s'écaille (cf.
les statues de plâtre de Madame Bovary).
Que fait cette Velléda dans le jardin? Elle
témoigne de la vogue du roman de Chateaubriand.
On pourrait bien imaginer aussi une statue de Paul et Virginie...
Ce
qui est intéressant, c'est que la Velléda (vierge et prêtresse gauloise, qui a violé ses vœux pour l'amour d'un Romain,
symbole de la passion fatale et criminelle) est un signe qui parle à Je, alors que pour les bourgeois à qui la maison
appartient elle n'est qu'un objet silencieux et sans véritable signification.
Dans l'ensemble, le décor du sonnet (villa petite-bourgeoise, avec son matériel du dimanche ou des vacances) ne peut
pas être le cadre d'une passion héroïque ou exemplaire, mais seulement d'un amour ordinaire, sans prétentions, ce qui
ne veut pas dire qu'il ne soit pas douloureux.
Le poème aboutit au vers 14, d'habitude (dans les sonnets classiques et
jusque chez les parnassiens) éclatant, ou destiné à rester dans la mémoire.
D'une manière générale, le dernier vers
d'un sonnet ramasse tout le sonnet.
Ici tout n'est plus qu'évanescence, glissement, voué à une disparition prochaine :
choix des mots (grêle; fade, réséda); coupe du vers 2 + 10; deux e muets (gicle, fade), dont le second placé de
manière scandaleuse et déroutante à l'hémistiche du décasyllabe que la coupe dégage à l'intérieur de l'alexandrin.
Verlaine inverse donc systématiquement le décor et le triomphalisme romantiques.
Mais du même mouvement, — ce qui
empêche que ce poème soit une satire ou un pur exercice —, il met en place une poésie du faux pas, de l'impair, du
rompu, etc.
Sens de cet anti-Hugo? Une récusation du triomphalisme passionnel et esthétique, qui sont tous deux une forme de
l'optimisme romantique.
Poème de retombée, marqué par le scepticisme, le pessimisme, etc., donc daté historiquement.
Après trois ans « traite » un thème reçu, mais c'est pour le dénaturer.
Son prosaïsme, son réalisme fonctionnent
contre une certaine poésie décorative et solennelle ; pour autant, on ne tombe pas dans la platitude : on a au
contraire les éléments d'une nouvelle poésie de l'instant, du renfermé, de l'intime et des objets.
Deuxième commentaire (sauvage)
Introduire : le titre
Retour sur des lieux chargés de souvenirs.
Le temps qui s'est écoulé est assez long pour avoir permis à ces souvenirs,
hantises, regrets (?) de se constituer, mais pas assez pourtant pour avoir profondément changé ni les lieux, ni le Je qui
les retrouve, en retrouvant ses impressions d'autrefois..
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