Philippe DESPORTES (1546-1606) (Recueil : Bergeries) - Douce Liberté désirée
Extrait du document
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Introduction
Philippe Desportes est un poète français du XVI siècle.
En marge des poètes de la Pléiade, son œuvre est typiquement celle des poètes de
cour.
Il devint d’ailleurs le favori du duc d’Anjou, futur Henri III.
Nommé « poète officiel », sa plume est moins inspirée et plus
conventionnelle que celle des poètes de la Pléiade, pour autant sa gloire ira jusqu’à éclipser celle de Ronsard.
Paradoxalement, l’œuvre de
Desportes contraste avec celle de ses contemporains : l’enthousiasme divin n’est pas revendiqué, et la violence de l’époque ( guerre de
religion qui opposa catholique et protestant) n’est pas non plus traduite ou décrite.
Ce poème, extrait du recueil Bergeries, est un texte composé de neuf strophes d’octosyllabes, la première est un septain et les 8 autres sont
des sizains.
Le poète s’adresse dans ces vers à la liberté, qu’il déifie.
Desportes se lamente, expliquant non pas comment il a perdu sa
liberté, mais comment il vit, ou survit sans elle.
En quoi ce poème, qui parle de captivité, fait-il référence au thème lyrique de la souffrance amoureuse sur un ton élégiaque.
Etude linéaire, en commentant le texte selon trois mouvements :
1) Septain 1 à 3 : une supplication poétique,
2) sizain 4 à 6 : la lamentation de l’homme et de l’écrivain,
3) sizain 7 à 9 : la résignation du poète.
I : Supplication élégiaque du poète :
1 er septain : déification de la Liberté en « Déesse ».
Dès lors la thématique et la circonstance de ce vers sont affirmées.
Il s’agit pour
Desportes de mettre en vers la souffrance de la captivité.
Les trois premières strophes sont écrites avec une tonalité de supplication : il supplie la liberté de revenir à lui et exprime sa détresse sur un
ton élégiaque : il demande à la liberté de revenir vers lui comme s’il s’agissait d’une femme : personnification avec l’emploi de qualificatifs
« douce » ; « désirée ».
La supplication se traduit aussi avec l’emploi des impératifs aux vers 6 et 7 « retourne ».
La détresse et la mélancolie du poète sont perceptibles au niveau du lexique : vers 14 ; répétition du verbe « perdre » et jeu avec le
sémantisme en perdre la vie et perdre quelqu’un.
Dans ces strophes, Desportes évoque sa vie depuis sa captivité (troisième strophe); le substantif est d’ailleurs employé au vers 4 :
1) le misérabilisme du poète se fait ressentir par l’exagération d e s e s maux et d e s o n malheur : « pauvre âme », « mille épineuses
douleurs ».
Il fait aussi appel aux topoi (lieux communs) antiques et classiques: le cœur, les yeux, le sang et le feu qui coulent dans les
veines sont autant de métaphores qui permettent au poète d’évoquer le sentiment amoureux, ou l’absence de celui-ci.
Deuxième mouvement : La lamentation du poète
Alors qu’auparavant Desportes implorait à la liberté de revenir à lui, les trois sizains qui suivent sont consacrés aux souffrances de l’homme
et de l’écrivain.
Les thèmes lyriques de la détresse et de la mort sont évoqués ici selon l’esthétique baroque propre à l’époque : les images
morbides se succèdent « teint pâle », « supplice »…
L’amplification baroque passe aussi par le fait d’associer des extrêmes dans la même strophe : « Et
maintenant rien ne me peut plaire ».
La figure de l’écrivain qui se lamente de ne pouvoir trouver d’inspiration : 6ème strophe : «
tous les plaisirs m’ont laissé :
ma main ».
Avoir perdu sa liberté équivaut à
avoir perdu l’inspiration.
Paradoxe : n’est-il pas en train de composer ? A ce titre, nous pouvons nous interroger sur l’authenticité du poète
dans ce poème, et donc par là même nous demander si l’auteur a auparavant déjà ressenti la souffrance de la captivité ?
Troisième mouvement : la résignation du poète
Desportes, dans le premier sizain de ce mouvement, confronte sa vie actuelle à sa vie passée.
Selon lui son statut actuel est vécu comme
une fatalité : « Quel charme, ou quel Dieu plein d’envie A changé ma première vie La comblant d’infélicité ? » Aussi, ce poème se clôt sur
une note négative : l’adieu du poète qui se résigne.
Il évoque aussi, sous forme d’énumération (avant dernier sizain) tout ce qu’il a perdu au moment de l’écriture.
La grandeur évoquée
(perceptible au niveau lexical : « céleste, lumière, gloire, divines pensées… » s’oppose à l’état actuel de l’homme qui ne peut qu’écrire sur
quelque chose qu’il désire plus que la vie mais qu’il n’aura pas.
Conclusion :
Ce poème est intéressant puisqu’il est un exemple de « poésie de circonstance ».
Le poète courtisan évoque au travers de ses vers des
situations vécues.
Nous pouvons en revanche nous interroger sur l’authenticité du poète.
En effet, la déification de la liberté, exprimée ici
dans la souffrance de la captivité, semble être ressentie, à défaut d’être vécue peut-être, comme une souffrance amoureuse.
Remarques sur le schéma rimique :
Le sizain consiste à deux vers à rimes plates suivis de quatre vers à rimes embrassées ou croisées (AABCCB) ou (AABCBC).
Le Moyen Âge, qui avait inventé cette forme, avait surtout pratiqué les mètres courts.
Au XVIIe siècle, elle était encore fort prisée; puis elle
s'est fait rare, pour réapparaître, avec le romantisme, d'abord chez Sainte-Beuve, puis chez Victor Hugo..
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