Pierre-Jean de BÉRANGER (1780-1857) - Les souvenirs du peuple
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Pierre-Jean de BÉRANGER (1780-1857) - Les souvenirs du peuple On parlera de sa gloire Sous le chaume bien longtemps. L'humble toit, dans cinquante ans, Ne connaîtra plus d'autre histoire. Là viendront les villageois Dire alors à quelque vieille Par des récits d'autrefois, Mère, abrégez notre veille. Bien, dit-on, qu'il nous ait nui, Le peuple encor le révère, Oui, le révère. Parlez-nous de lui, grand-mère ; Parlez-nous de lui. (bis) Mes enfants, dans ce village, Suivi de rois, il passa. Voilà bien longtemps de ça ; Je venais d'entrer en ménage. À pied grimpant le coteau Où pour voir je m'étais mise, Il avait petit chapeau Avec redingote grise. Près de lui je me troublai, Il me dit : Bonjour, ma chère, Bonjour, ma chère. - Il vous a parlé, grand-mère ! Il vous a parlé ! L'an d'après, moi, pauvre femme, À Paris étant un jour, Je le vis avec sa cour Il se rendait à Notre-Dame. Tous les coeurs étaient contents ; On admirait son cortège. Chacun disait : Quel beau temps ! Le ciel toujours le protège. Son sourire était bien doux ; D'un fils Dieu le rendait père, Le rendait père. - Quel beau jour pour vous, grand-mère ! Quel beau jour pour vous ! Mais, quand la pauvre Champagne Fut en proie aux étrangers, Lui, bravant tous les dangers, Semblait seul tenir la campagne. Un soir, tout comme aujourd'hui, J'entends frapper à la porte ; J'ouvre, bon Dieu ! c'était lui Suivi d'une faible escorte. Il s'asseoit où me voilà, S'écriant : Oh ! quelle guerre ! Oh ! quelle guerre ! - Il s'est assis là, grand-mère ! Il s'est assis là ! J'ai faim, dit-il ; et bien vite Je sers piquette et pain bis Puis il sèche ses habits, Même à dormir le feu l'invite. Au réveil, voyant mes pleurs, Il me dit : Bonne espérance ! Je cours de tous ses malheurs Sous Paris venger la France. Il part ; et comme un trésor J'ai depuis gardé son verre, Gardé son verre. - Vous l'avez encor, grand-mère ! Vous l'avez encor ! Le voici. Mais à sa perte Le héros fut entraîné. Lui, qu'un pape a couronné, Est mort dans une île déserte. Longtemps aucun ne l'a cru ; On disait : Il va paraître. Par mer il est accouru ; L'étranger va voir son maître. Quand d'erreur on nous tira, Ma douleur fut bien amère ! Fut bien amère ! - Dieu vous bénira, grand-mère ; Dieu vous bénira. (bis)
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