Pourquoi les écrivains écrivent-ils des histoires ?
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Analyse du sujet et problématisation
Ce sujet comporte deux mots-clés : la notion d' écrivain et le terme « histoires »
Le terme d'écrivain est une notion générale englobant les gens qui pratiquent un métier relevant de l'écriture littéraire : poètes,
romanciers, essayistes, dramaturges, nouvellistes, fabulistes…
Le terme « histoires » est lui aussi très général .
Une histoire peu se définir comme une suite de faits qui constituent l'élément
narratif d'une œuvre, comme un agencement en système des faits racontés.
Utilisé au pluriel, il peut s'apparenter ici à toute production
fictionnelle (dans le sens de « raconter des histoires »).
Ce sujet est donc très vaste, il permet d'utiliser des exemples issus de tous les genres littéraires.
Notons que l'adverbe « pourquoi » pose la question à la fois des raisons qui poussent à écrire des histoires mais aussi celle des
buts ( que vise-t-on lorsqu'on écrit une histoire ?)
Problématique : Quelles sont les motivations de l'écriture fictionnelle ? Pourquoi écrire des fictions ? Dans quel but ?
La question posée invite à faire un plan thématique qui ne doit pas se résumer cependant à un catalogue énumérant les raisons
pour lesquelles les écrivains écrivent des fictions, mais doit faire état d'une progression dans la réflexion (de la raison la plus évidente à
la plus subtile), d'où la nécessité de ménager des transitions logiques entre les parties du devoir.
I)
Ecrire des histoires = une façon plaisante d'exprimer un précepte ou une idée
- Les histoires peuvent être, pour l'écrivain, des supports didactiques pour l'énonciation d'un précepte moral.
Raconter une histoire
permet d'illustrer ce précepte, de le faire comprendre et de mieux l'imprimer dans l'esprit du lecteur Ex : Les fables de La Fontaine ( « Le
pouvoir des fables ») ou d'Esope ( « Le loup et l'agneau » illustrant la morale « Pour qui est décidé à agir injustement, il n'y a pas de
défense qui vaille »), les Contes de Perrault, ou encore les paraboles du Christ dans la Bible.
- Les histoires sont aussi des moyens servant une argumentation : elles peuvent être appréhendées comme des outils de
persuasion afin de faire adhérer le lecteur à une idée subversive ou à une critique de la société : ex : Les Contes philosophiques de
Voltaire ou Les Châtiments de Victor Hugo écrit engagé composé de poèmes satiriques (cf.
le poème central du recueil, « l'Expiation », où
Hugo met en scène une véritable épopée de la chute de Napoléon Ier).
- Tout en servant l'argumentation, les histoires permettent aussi aux écrivains de masquer leur critique, et d'éviter ainsi la
censure : ex : Les Lettres Persanes de Montesquieu où les histoires des persans et les apologues (comme l'histoire des troglodytes)
permettent à l'auteur à la fois de faire une rude critique de la société et des pouvoirs français, tout en masquant cette critique.
II)
La fiction littéraire comme voie vers la connaissance
Le désir de connaissance peut être à l'origine de l'écriture fictionnelle et la révélation d'une connaissance peut en être le but.
-Ecrire une histoire permet à l'écrivain de connaître le monde, d'accéder à des vérités non connues.
C'est le cas du mythe, récit fictif
permettant l'accès à des vérités éternelles dont la seul raison ne peut rendre compte : la fiction permet de pallier à la défaillance de la
raison dans la connaissance du monde.
Ex : Platon utilise souvent le mythe pour parler du monde des idées, des essences ( Le mythe du
démiurge dans le Timée).
Certains écrivains écrivent donc des histoires pour accéder à ces vérités inaccessibles autrement : ex : Michel
Tournier réécrivant le mythe de Robinson Crusoé dans Vendredi ou les Limbes Pacifique et montrant à travers sa réécriture que l'essence de
la vie et du bonheur réside dans l'esprit d'enfance.
- Ecrire des histoires permet à l'écrivain de connaître les autres, c'est à dire, de pouvoir examiner et étudier la société dans laquelle
il vit : certaines histoires s'avèrent donc de véritables études sociologiques, tels les romans naturalistes de Zola, où l'auteur prétend livrer
l'essence d'un milieu social, le milieu ouvrier en particulier, et tente ainsi de prouver l'influence sur tout homme de l'hérédité et du milieu.
Comme l'explique Zola dans le Roman expérimental , les « histoires » doivent servir les sciences de l'homme :
Le roman expérimental est une conséquence de l'évolution scientifique du siècle ; il continue et complète la
physiologie, qui elle-même s'appuie sur la chimie et la physique; il substitue à l'étude de l'homme abstrait, de
l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel, soumis aux lois physico-chimiques et déterminé par les
influences du milieu ; il est en un mot la littérature de notre âge scientifique, comme la littérature classique et
romantique a correspondu à un âge de scholastique et de théologie.
- Ecrire des histoires permet parfois à l'écrivain de se connaître soi-même : en se mettant à distance de lui-même par les histoires
qu'il raconte, par la fiction, l'écrivain atteint son moi profond : ex : Elle et lui où George Sand analyse, à travers la fiction, son histoire
d'amour avec Musset.
III)
Mais souvent l'écriture de fiction ne répond à aucune motivation et à aucun but précis
-Ecrire des histoires peut être à l'origine un simple plaisir des mots et de l'imagination que l'auteur souhaite faire partager à son
lecteur : plaisir du conte, du divertissement, sans arrière pensée au départ, même si parfois l'histoire racontée dépasse cette seule
ambition du partage d'un plaisir.
- L'écriture fictionnelle relève d'ailleurs parfois non d'une volonté consciente animée par un but précis, mais d'une forme de
nécessité inconsciente.
On peut prendre ici l'exemple de Marguerite Duras qui exprime cette motivation de l'écriture dans Ecrire :
C'est l'inconnu qu'on porte en soi écrire, c'est ça qui est atteint.
C'est ça ou rien.
On peut parler d'une maladie
de l'écrit.
[…] Il y a une folie d'écrire qui est en soi-même, une folie d'écrire furieuse mais ce n'est pas pour cela
qu'on est dans la folie.
Au contraire.
[…]Si on savait quelque chose de ce qu'on va écrire, avant de le faire, avant
d'écrire, on n'écrirait jamais.
Ce ne serait pas la peine.
- L'expérience de l'écriture automatique chez les surréalistes témoigne de cet inconscient au fondement de l'écriture.
Cette
méthode d'écriture inventée par André Breton et a été inspirée par les travaux de Freud et désireux de libérer la puissance de
l'inconscient, André Breton imagina cette technique consistant à écrire tout ce qui lui passe par la tête sans aucun souci de cohérence, de
grammaire ou même de respect du vocabulaire..
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