Préférez-vous les oeuvres littéraires dans lesquelles l'auteur parle ouvertement de lui-même ou celles dans lesquelles il s'efface ? Justifiez votre préférence par des exemples précis ?
Extrait du document
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Le sujet pose vraisemblablement le problème de notre regard sur l'œuvre et de notre sensibilité à son égard.
De plus, il convient de
savoir que la question de la place à faire à l'auteur (donc de ce qu'il doit faire ou ne doit pas faire) est l'une des plus controversées
dans les études littéraires.
En conséquence il s'avère délicat de se prononcer sur le rôle que celui-ci doit tenir dans son oeuvre.
De ce fait, nous pouvons choisir de poser le problème
en ces termes : Quels sont les différents mouvements de pensés ? L'auteur a-t-il le devoir/l'obligation de parler ouvertement de luimême à ses lecteurs ou est-ce une liberté qu'il s'octroie ? Le contenu de l'œuvre dépend il entièrement de son intention propre ? Est-ce
au lecteur de déterminer la place qu'il doit ou non occuper ?
I/L'auteur : la notion d'intention :
·
À la fin des années 1960, deux grands critiques français publièrent des articles aux titres évocateurs : « Qu'est-ce qu'un auteur ?
» (Michel Foucault) puis « La mort de l'auteur » (Roland Barthes).
Ces deux textes réfléchissent au rôle de l'auteur, depuis le Moyen
Âge jusqu'au milieu du XXe siècle, aux différentes fonctions qu'il occupe et à l'évolution de son statut.
En outre, ces articles
présentent un enjeu de taille pour l'ensemble de la communauté littéraire, car ils se proposent de mettre en lumière une question
qui obsède la critique : l'auteur doit-il parler de lui-même ou s'effacer ? Que devient-il face à son œuvre ?
·
Quelque soit le débat sur l'auteur, le conflit porte au fond sur la notion d'intention.
Quel est le rapport supposé entre le texte et
son auteur ? Quelle est la responsabilité que l'on attribue à l'auteur sur le sens du texte et sur la signification de l'œuvre ? Il est
donc nécessaire de souligner à ce propos les deux idées qui s'affrontent : l'ancienne et la moderne.
L'ancienne idée identifie le sens
de l'œuvre à l'intention de l'auteur (l'auteur est donc là pour parler ouvertement de lui).
En revanche la position moderne, déjà
présente chez Proust, s'oppose à cette critique biographique.
Les poètes et les hommes de lettres ne sont pas l'objet de l'étude
littéraire.
Ainsi T.
S.
Eliot jugeait que la poésie est « non l'expression d'une personnalité, mais une évasion de la personnalité »
(« not the expression of a personality, but an escape from personality »).
·
Or pour échapper à ce dilemme, une troisième voie souvent privilégiée aujourd'hui insiste sur le lecteur comme critère de la
signification littéraire.
On ne peut pas raisonnablement se débarrasser de l'auteur, car le lecteur à grand besoin d'un interlocuteur
imaginaire, construit par lui dans l'acte de lecture.
Mais il est possible de limiter la place de la biographie et de l'histoire dans l'étude
littéraire, de relâcher la contrainte de l'identification, sans pour autant se passer de la figure de l'auteur.
II/Les figures d'auteurs indissociables de leurs œuvres :
·
La volonté de laisser un témoignage, de lutter contre le temps, d'accéder à la postérité tout comme le désir de se justifier, sont
des éléments qui conduisent vers le genre autobiographique.
Un type d'écriture qui a sans doute pris son envol durant la période
humaniste, notamment porté par Montaigne au XVI e siècle, au moment où le genre s'affirme grâce à l'intérêt porté à l'individu.
Impossible d'affirmer que l'auteur ne parle pas de lui explicitement dans ses Essais, car Montaigne est auteur de lui-même.
Avec lui
la notion d'auteur devient pleinement individuelle.
Il déclare au chapitre « Du démentir » : « Je n'ay pas plus faict mon livre que
mon livre m'a faict, livre consubstantiel à son autheur, d'une occupation propre, membre de ma vie; non d'une occupation et fin
tierce et estrangere comme tous autres livres » (II, 18, 648c).
L'avis liminaire de 1580, « Au lecteur », disait déjà : « je suis moy
mesmes la matiere de mon livre ».
Montaigne a donc substitué une quête de soi dans l'écriture qui marquera longtemps ses
successeurs.
·
Au XIX e siècle, à la suite des philosophes des Lumières (notamment de Rousseau), les récits de vie deviennent un véritable
succès.
De grands auteurs vont écrire leur biographie, tels que Chateaubriand (Mémoires d'outre-tombe) ou encore Stendhal.
En
réalité, avec l'apparition du romantisme, le « moi » devient à la mode et le lecteur assiste dès lors à la multiplication d'œuvres
autobiographiques.
·
Les œuvres où l'auteur ose encore parler de lui-même ouvertement, comme s'il s'agissait d'une posture littéraire bénéfique pour
lui et pour son public, changent de nature au XXe siècle avec le développement des sciences humaines.
Parler de soi, n'est plus une
quête louable depuis l'apparition de la psychanalyse et de la sociologie.
Il convient désormais d'intérioriser et d'être dans l'ombre de
son œuvre.
L'œuvre de Proust, Le contre Sainte-Beuve, reflète à bien des égards cette théorie.
Néanmoins des auteurs comme
Marcel Pagnol continueront d'évoquer leurs souvenirs d'enfance et de léguer aux lecteurs des œuvres touchantes : La gloire de mon
père, Le château de ma mère, Le temps des secrets…
III/La petite « mort de l'auteur » ou comment l'auteur s'efface de son œuvre :
·
Selon les anciennes règles du « pacte autobiographique », l'auteur devait dire la vérité à son lecteur, se montrant tel qu'il est.
Seul le problème de la mémoire pouvait aller à l'encontre de ce projet.
Cependant à l'entrée du XXe siècle, ce principe est ébranlé,
relégué au dernier plan.
Le devoir de l'auteur n'est plus assurément d'énoncer une vérité qui le concerne, mais plutôt de se mettre
de côté pour mettre au jour une vérité qui concerne le lecteur.
Il s'agit dorénavant d'écrire des œuvres capables de réfléchir la
vérité et cela sans s'impliquer.
Les pièces de Becket à ce propos représentent l'un des exemples de l'effacement de l'auteur.
Chez
lui, tout est absence : décor, syntaxe, dialogue, raison…
·
Le rôle de l'auteur oscille donc entre le devoir de donner du sens à son lecteur et sa liberté d'expression.
Si au XVI e siècle son
impératif est de parler de lui, aujourd'hui sa motivation est peut-être celle de sa défiguration.
·
Dans Les Mots, Sartres réalise le procès radical de la figure sociale de l'auteur.
On retrouve le meilleur tableau de la religion des
grands écrivains de l'école républicaine : « c'étaient les Saints et les Prophètes » (p.53).
Sartres dénonce l'imposture de la religion
du livre.
L'écrivain insiste sur le fait que le culte des grands écrivains et de la religion d u livre ont eu un effet d'aliénation dont il fut
dupe et dont il souffrit jusqu'à la rencontre de la vraie vie, durant la guerre.
L'œuvre et la place de l'auteur en son centre, sont des
questions d'ordre sensible.
Cependant on remarquera volontiers que l'effacement de la figure de l'auteur (jusqu'à sa mort) est
nettement marqué au XXe siècle, ce qui laisse imaginer que l'histoire littéraire est inévitablement liée à l'histoire « tout court ».
Les
guerres successives ont toutes apporté la mort mais également fait se renverser les mentalités..
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