Proust, Le salon Verdurin, analyse linéaire.
Publié le 16/03/2024
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Texte 8 :
Le salon des Verdurin
Introduction :
Au basculement de la fin du XIXème au début du XXème siècle, Marcel Proust
introduit une oeuvre inclassable, qui ne semble s’inscrire dans aucun courant
mais paraît tous les sublimer, une œuvre sans précédant et assurément sans
successeur, allant du portrait de l’amour et de la jalousie à une satire de la haute
bourgeoisie en passant par la recherche de l’art véritable.
L’écrivain est né le 10
juillet 1871 dans un milieu plutôt aisé ; enfant prodigieux, sa jeunesse, comme
le reste de sa vie, est cependant teintée d’une lourde fragilité.
Souffrant
d’asthme, d’un tempérament sensible et anxieux, Proust fréquente néanmoins la
haute bourgeoisie dont la nette observation ne manquera pas, à travers une
plume souvent acérée, de se refléter dans ses productions.
Son œuvre principale,
A la recherche du temps perdu, qui est un roman en sept tomes écrit de de 1906
à 1922 et publié de 1913 à 1927, est une révolution dans la mesure où Proust
est le premier à avoir, de façon suffisament marquante pour provoquer un
basculement, introduit une dose de fiction dans l’élaboration d’un narrateur
personnage principal qui est largement inspiré de lui-même.
Bien que d’autres
l’aient fait avant lui, notamment au siècle précédent avec le Musset de la
Confession d’un enfant du siècle ou encore avec le Stendhal de La vie de Henry
Brulart, aucun ne le fit de manière aussi publique, aussi ambitieuse et aussi
ample que le Proust de La Recherche, dans un XXème siècle qui, de surcroit, à
ouvert dans ses prémices la voie à un triomphe de la singularité.
De cette
manière, Marcel Proust, s’il n’est pas, à l’image de Montaigne, « la matière de
son livre », y est présent à travers tous les aspects, tant dans les personnages
que dans les conjectures, dans les portraits que dans les thématiques, et y
insufle d’une empreinte légère et pourtant décisive toute l’étendue de son
individualité.
Homosexuel et d’origine juive par sa mère, on discerne donc
aisément dans son œuvre les caractéristiques de l’écrivain bien qu’il ne soit pas
le narrateur lui-même, à travers différents personnages et surtout, différentes
problématiques.
Le passage présenté est un extrait du premier tome, du côté de
chez Swann, et plus précisément de la deuxième partie, intitulée Un Amour de
Swann.
Le personnage de Charles Swann, prince des élégances mondaines, juif
et dreyfuyiste, s’éprend d’un personnage de demi-mondaine, Odette de Crécy,
d’un amour paradoxal, à la fois maladif et pourtant sublimé, toujours transcendé
par une sensibilité artistique qui amène Swann, véritable esthète, à voir dans les
traits de cette femme, une ressemblance à l’une des filles de Jethro, que l’on
trouve sur une toile de Boticelli.
La magnificiance idéalisée de la fictive sonate de
Vinteuil rythme cet amour féroce, qui laisse inévitablement place, peu à peu, aux
airs de souffrance et au sentiment de jalousie.
Cette sonate est notamment
entendue au salon Verdurin, dans lequel Swann se rend pour séduire Odette de
Crécy ; cependant, ce salon dans lequel tout n’est que vulgarité et bêtise montre
que le roman que nous offre Proust ne saurait se limiter à une analyse de
l’amour.
Entremêlant les genres, Proust oscille alors entre poésie et satire, avec
une scène de critique de la haute bourgeoisie, de son mépris, de son ridicule et
de son hypocrisie.
Alors, par quel moyen l’auteur parvient-il à peindre les mœurs
de certains salons parisiens, notamment à travers le personnage ridicule de
Madame Verdurin ? Tout d’abord, nous analyserons les éléments qui soulignent la
proéminente fausse convivialité qui règne dans le salon des Verdurin ainsi que
ceux qui démontrent la sottise de son hôte, Madame Verdurin.
Ensuite, nous
nous pencherons sur l’égoisme et le caractère sectaire, l’entre soi qui caractérise
le salon.
Analyse linéaire :
I.
-
-
-
La fausse convivialité
Une première phrase révélatrice : phrase en deux temps avec un faux
semblant au début, puis coupé par un « : ».
Ce procédé, qui consiste à
commencer par une négation (« Les Verdurin n’invitaient pas à diner »),
permet d’accentuer la seconde partie de la phrase, ici la prétendue
convivialité des Verdurin, dont la qualification par une métonymie va aussi
dans ce sens (la convivalité).
Le discours rapporté, qui sera largement
utilisé au cours du texte est déjà présent avec « son couvert mis » Ce
discours rapporté donne du crédit à cette idée d’espace de liberté, de
convivialité, qui fait penser non pas à un salon mais plutôt à une pension
de famille Cette première phrase présente réellement, dans un faux
semblant introducteur (à l’échelle du texte et pas de l’œuvre), un
espace convival.
La deuxième phrase est brève et concise, il n’y a pas de programme, ce
qui accentue cette idée de convivalité en opposition avec la cordialité des
autres salons.
La troisième phrase vient, elle, s’inscrire dans la continuité des deux
premières : elle mentionne un pianiste qui ne jouerait que « si ça lui
chante » L’idée de liberté est poussée, encore et toujours, jusqu’au
cadre de la soirée et aux comportements des différents acteurs du salon.
L’utilisation du discours rapporté sert, comme pour la première phrase, à
donner du crédit à la convialité en utilisant des expressions familières,
vraisemblablement prononcées par les Verdurin (ou par le pianiste), ce qui
inculque le caractère convivial, relaché à travers cette familiarité aux
Verdurin, qui sont pourtant les maitres de maison.
La poursuite de la
phrase, après la virgule, attribue la convention d’un pianiste de jouer du
piano au fait de « forcer » (« car on ne forçait personne ») et introduit un
énième discours rapporté cette fois de la part de M.
Verdurin « Tout pour
les amis, vivent les camarades ! » Cette phrase exclamative est
particulièrement niaise, c’est ce qu’on pourrait appeler une affectation
d’amitié, elle montre un manque de raffinement avec l’expression de
-
-
-
« camarades » qui accentue encore cette convivialité.
Cette phrase est un
point de pivot : c’est le paroxysme de la fausse convivialité, avec le « car
on ne forçait personne » et cette dernière phrase si niaise qu’elle en est
révélatrice d’une atmosphère toute autre, elle, fabriquée de toute pièce.
En effet, ces démesures abberantes montrent que la camaraderie y est
clairement contrefaite : si, en réalité, le pianiste ne voulait plus jouer, il ne
serait bien évidemment pas convié.
Il règne dans ce salon un langage qui
ne correspond pas à un milieu très aisé.
La quatrième phrase : c’est la première évoquation de Madame Verdurin
dans le texte.
On y voit que, lorsque le pianiste s’apprête à faire ce
pourquoi il est sensé être convié, Madame Verdurin feint une sensibilité
artistique si grande que la beauté des œuvres musicales aurait des effets
indésirables sur elle.
L’antiphrase « non que cette musique lui déplût »
montre l’hypocrisie du personnage de Madame Verdurin, la réalité est que
cela l’ennuie, et qu’elle se déguise en un personnage honnête pour servir
son bas intêret.
Le passage de discours rapporté, dans un discours direct
plutôt long, montre le mensonge surjoué de Madame Verdurin qui, de
surcroît, utilise des arguments grossiers (la migraine) et utilise, encore
une fois dans le salon, un langage familier (« Bonsoir, plus personne ») qui
trahit encore son faux amour de l’art.
La phrase suivante décrit les activités du salon, où l’on ne dialogue pas, on
« cause ».
Le lecteur, avec cette expression, ne sair ni qui parle, ni que
quoi « on » parle On voit donc que le contenu de la discussion n’a
finalement pas grande importance, il n’y aucun raffinement dans les sujets
de conversation, seul compte le fait de « causer ».
On décrit ensuite une
scène qui concerne, après le paroxysme de la fausse convivialité, semble
s’ériger comme la quintessence du ridicule.
L’expression « l’un des amis, le
plus souvent leur peintre favori d’alors » montre que ce n’est pas une
authentique amitié que celle affichée par le salon Verdurin, puisqu’ils en
changent souvent.
Cet ami du moment « lâchait une grosse faribole qui
faisait s’esclaffer tout le monde » : l’expression employée par M.
Verdurin,
une fois de plus rapportée entre guillemets, témoigne d’un extrême
manque de raffinement, qui vient courroner ce portrait de la sottise et de
l’art de la conversation pour converser, imprégniée de gros rire, de
familiarités et de futilités, précisément l’inverse de ce que l’on pourrait
attendre d’un salon de la haute bourgeoisie parisienne.
La précision « qui
faisait s’exclaffer tout le monde » insiste sur la qualité des acteurs du
salon, qui sont sujets à ce manque de raffinement.
Cette « grosse
faribole » (grosse blague) est « lachée » par un peintre cela accentue le
fait que les artistes de talent ne sont bel et bien non pas invités pour leur
qualité artistique, mais pour se donner une certaine image tandis que
ceux-ci sont rabaissés à des pitres soumis aux humeurs de Madame
Verdurin.
Cette dernière est précisément la cible de cette....
»
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