Qu'est-ce qui fait une poésie ?
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«
Demande d'échange de corrigé de Bouaziz Jérémy ([email protected]).
Sujet déposé :
Qu'est-ce que la poésie ?
Depuis le début de notre scolarité, nous avons appris et récité des poésies ! L'exercice était parfois fastidieux et
difficile pour l'enfant que nous étions.
Nous n'avions pas vraiment d'appréciation esthétique du poème.
Ce qui
importait c'était la déclamation devant un parterre d'admirateurs.
Les parents n'étaient pas non plus très sensible au
texte, car ils venaient écouter l'enfant plus que le texte.
Nous avons grandi au milieu de ces étranges objets de
langage qu'étaient les poèmes.
Mais savions nous ce qui fait qu'un texte devient poème ?
Adolescent, nous avons exprimé nos désirs, nos larmes, notre amour dans des poèmes et le poème était une voix
pour donner corps à nos attentes, donner corps à nos rancoeurs, nos refus, nos révoltes, jusqu'au jour où chacun
d'entre nous est rentré dans le monde du travail.
On devient quelqu'un de sérieux - ce qui veut dire qui vit le
rapport au langage sur un mode empirique - et on oublie cet étrange voix de la poésie, pour entrer dans le monde
du langage pratique qui n'a que faire de la création de la parole.
Tout au long de cette histoire des mots, avons nous compris ce qu'était la poésie ? Est-ce une affaire sérieuse ?
Est-ce une affaire tout court ? En quel sens est-elle un art ? Et qu'est-ce que la poésie ?
Le poète travaille sur un matériau qui semble a priori bien ingrat, le langage.
Les mots dans leur usage empirique
sont comme la monnaie que l'on se passe de main en main, qui s'use et à laquelle on ne prête guère d'attention.
La
monnaie n'est qu'un intermédiaire de l'échange.
Les mots sont usés par le bavardage, usé dans la communication,
usés pas la boulimie de paroles des média, usés par le discours commercial, la rhétorique politique, enrégimentés
dans le discours scientifique.
Alors comment pourrait-il y avoir une « autre » parole, une parole poétique ?
1) La frontière entre la prose ordinaire et la poésie est ténue.
Un document administratif est écrit dans langage
strict dans son usage, sans fioriture.
Froid et glacial est le règlement intérieur, à moins que le caprice d'un employé
n'y glisse, comme par mégarde, une jolie tournure.
Ce qui se remarque immédiatement.
Nous disons, « c'est bien dit
», « c'est joliment exprimé ».
Un instant, le langage empirique a été suspendu et s'est éclairé comme d'une lueur de
beauté de la forme.
Nous sommes comme arrêtés et notre attention s'est déplacée depuis l'objet technique vers
l'expression esthétique.
Nous dirons alors que l'expression a du style.
Le style c'est la manière très personnelle qu'a
une personne d'investir la langue en lui donnant une forme expressive.
Bien sûr il y a le style des écrivains.
Le style
de Giono n'est pas du tout le style de Saint-Exupéry qui est très différent du style d e Proust.
Giono a le don de la
métaphore brillante et puissante.
Saint-Exupéry cisèle son expression dans une intimité retenue dans la pudeur.
Proust invite au retour sur l'intimité et respire dans une phrase longue, chargée de détail.
Le style c'est la manière
de l'écrivain, la touche reconnaissable d'un artiste.
C'est un peu comme sur une partition : une vingtaine de mesures
et l'esthète reconnaît que c'est du Bach, cela doit être du Mozart on reconnaît le style.
De même, une page écrite
signe son auteur : c'est du Proust, c'est visiblement du Céline ou du Gide.
Comme le grand peintre, le grand écrivain
trouve son style et s'épanouit dans une forme qui est la sienne.
Le basculement de la prose vers le style peut se
produire partout, dès qu'il y a un souci de perfection de la forme.
La rigueur académique un peu sèche de Kant ne
laisse que peu de place à marque d'un style d'écrivain.
Par contre, la
phrase ample, souple, balancée de Bergson est immédiatement la marque d'un style et d'un beau style.
Ce n'est
pas un hasard si on lui a offert un prix Nobel de littérature.
Le philosophe n'est pas obligé par profession de se tenir
dans un langage obscur et technique et d'ignorer la forme.
Sur les sujets les plus difficiles, l'appui d'une langue
esthétique n'est pas négligeable.
La rigueur conceptuelle n'implique pas l'abandon du souci de bien dire.
Le style
donne une vie expressive au mouvement de la pensée dans le langage.
Ce qui est étrange, c'est que par exemple,
on ait pu reprocher à Bergson la beauté de son style,
2) Le linguiste répondrait bien sûr, que l'écriture doit tout au langage, qu'elle ne peut rien sans des ressources
qui sont inscrites dans la langue.
Il est vrai qu'il en est ici du style comme du rapport du talent au génie dans l'art.
Sans la compétence linguistique, donc de maîtrise de la langue, il ne pourrait y avoir de style.
Il faut aussi avouer
que la langue n'est pas matériau strictement individuel, mais appartient à la conscience collective d'un peuple.
Mais
enfin, ce n'est pas avec de la compétence linguistique que l'on fait la beauté d'un style, même s'il est évident qu'un
grand écrivain la possède nécessairement.
De même que le génie survole des ailes de son inspiration le simple talent
et l'enveloppe, le style survole de son inspiration la seule compétence linguistique et l'enveloppe.
(texte)
La linguistique aurait aussi tendance à vouloir nous montrer que la langue forme système et que toute
signification se déploie seulement dans un réseau conceptuel de mots qui appartiennent d'abord à la langue.
A la
limite, nous ne parlons pas, nous sommes parlés par la langue ! Entre l'enfant qui découvre le langage et le poète qui
le chante, il n'y aurait de différence que dans la compétence linguistique en sommeil chez l'un et achevée chez
l'autre.
Mais cela voudrait dire aussi que la pensée a en quelque sorte été endoctrinée par la langue et se trouve
prise dans le réseau serré de ses catégories.
Il en résulterait alors l'idée selon laquelle, la poésie serait « sociale »,
car expression d'une entité sociale qui est la langue.
Si le matériau du langage n'est pas une nomenclature utilisable
par les sujets parlant, mais un réseau serré de signes, qui tous ensemble se répondent et forme un tout vivant, un
tout en devenir dans.
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