« Qui a mordu à la terre, il en conserve la trace », a dit Paul Claudel dans les Cinq grandes Odes. Essayez de dégager la signification du thème de la terre dans l'oeuvre de ce poète.
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« Qui a mordu à la terre, il en conserve la trace », a dit Paul Claudel dans les Cinq grandes Odes.
Essayez
de dégager la signification du thème de la terre dans l'œuvre de ce poète.
Introduction : « Qui a mordu à la terre, il en conserve la trace », a dit Claudel.
Or cette affirmation, en forme de
proverbe, caractérise d'une manière inattendue ce poète chrétien.
On peut pourtant se demander si ce « fils de la
terre », partagé entre ses aspirations mystiques et son amour pour la création, n'a pas connu un drame.
En fait, si
sa nature sensuelle renverse parfois les critères établis et bouscule quelque peu la tradition des écrivains
catholiques, Claudel ne paraît pas avoir été déchiré entre deux tendances opposées.
Au contraire, son tempérament
exceptionnel sut résoudre la contradiction.
Aussi, depuis la célèbre nuit de Noël où il fut touché par la grâce, ce
poète ne cessa d'exprimer dans une œuvre souvent truculente la « parole d'un croyant ».
I.
Terre païenne et terre chrétienne.
L'œuvre de Claudel fait apparaître tous les aspects de l'amour de la terre.
1.
Tête d'or.
« Il faut qu'elle dorme la face contre la terre.» C'est le drame païen de la possession de la terre.
Tête
d'or aime le monde avidement.
C'est un conquérant qui rêve de posséder les choses pour sa propre gloire.
Mais son
orgueil le conduit à la mort car l'homme ne possède aucun bien : il ne peut, à lui seul, saisir le monde.
2.
Christophe Colomb.
« C'est Dieu dans ma main qui va à la recherche de Dieu.
»
Ici encore, le désir de possession est le thème central de la pièce.
Mais, cette fois, il ne s'agit plus de la « terre des
hommes», mais de la terre de Dieu.
Le possesseur de toutes choses remet le « nouveau monde » à l'homme pour
qu'il participe à l'œuvre du créateur {Quand 11 [Dieu] fit l'homme à son image, c'était son image de créateur »).
II.
La fonction du poète.
C'est au poète que revient la mission de relier l'homme à Dieu, le Ciel à la Terre.
Beaucoup de poètes ont eu cette
idée ; mais Claudel établit une différence nette entre :
1.
Le poète païen, sorte d'ange déchu qui, par la magie du verbe, a voulu se faire l'égal de Dieu.
Cette rivalité
inspirée par Satan est alors punie par :
* l'angoisse puis le silence (Rimbaud, Mallarmé) ;
* l'horreur (Hugo, Baudelaire).
2.
Le poète chrétien, qui s'attache toujours à refaire l'unité du monde et « coopère » ainsi à la création de la terre.
Comme le petit enfant donne aux choses leurs véritables existences en les épelant (=en appelant à soi), comme
Dieu créa les êtres en les appelant par leur nom, le poète chrétien, en traduisant le silence de la matière, l'arrache à
son inertie et « coopère » ainsi à l'œuvre de Dieu (cf.
Cinq grandes
Odes).
La poésie apparaît alors comme une prière qui conduit
à la joie.
III.
Le langage claudélien.
Les textes rassemblés dans Positions et Propositions aident à mieux saisir les principes de « l'Art poétique »
claudélien :
1.Le langage utilitaire.
Claudel établit une distinction essentielle entre l'emploi des mots et leur signification : « ...
Nous employons dans la vie ordinaire tes mots non pas proprement en tant qu'ils signifient les objets, mais en tant
qu'ils les désignent...
» Ainsi, puisqu'il y a deux langages, il y a deux manières de percevoir (cf.
texte où Claudel
oppose pensée d'un savant et pensée d'un poète).
Or le poète comprend les réalités inintelligibles et il donne aux
mots une valeur signifiante.
De cette façon, la poésie parvient à « co-naître » et à reconstituer l'unité du paradis
perdu.
2.Le langage poétique.
Mais pour retrouver l'unité du monde, il faut suivre une démarche logique : partir du simple
pour arriver au composé.
Ainsi Va la démarche du poète.
Il s'appuie sur les sons (voyelles) et, passant par les mots,
parvient a la structure de la phrase.
Car le vocabulaire n'a pas d'unité en lui-même : c'est au poème que revient la
délicate entreprise de rassembler ces particules éparpillées.
Puis, par un double mouvement, la phrase poétique relie
la terre à Dieu et Dieu à la terre.
Ainsi s'explique le rythme du verset claudélien, essentiellement dynamique et qui
tente d'établir l'équilibre fragile entre l'humain et le divin.
Conclusion : De cette façon s'éclaire la prière exprimée dans les Cinq grandes Odes : « Ne me permettez point de
me soustraire à votre volonté, à la terre qui est votre volonté » ; car le monde est la partie visible de l'éternel.
Aussi doit-on aimer la terre, non pas seulement ses éléments primitifs purs — l'eau, le feu, l'air —, mais toutes les
choses créées, même les plus laides et les plus sales.
Aussi pouvons-nous comprendre l'enthousiasme soulevé par la
poésie et le théâtre de Claudel.
En dépit de certaines brusqueries, ce « monstre littéraire » sut rallier tous ceux qui,
en dehors de toute croyance, virent en lui — à la suite de Maurice Maeterlinck — « le plus grand poète de la terre
»..
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