Rabelais fait donner par Gargantua à Pantagruel une éducation encyclopédique : «j'y veux un abîme de science», tandis que Montaigne préfère « une tête bien faite à une tête bien pleine ». Vous apprécierez brièvement les deux systèmes opposés et vous direz ensuite quel vous paraît être l'idéal d'une bonne éducation ?
Extrait du document
«
Rabelais fait donner par Gargantua à Pantagruel une éducation encyclopédique : «J'y veux un abîme de
science», tandis que Montaigne préfère « une tête bien faite à une tête bien pleine ».
Vous apprécierez
brièvement les deux systèmes opposés et vous direz ensuite quel vous paraît être l'idéal d'une bonne
éducation.
PLAN DÉTAILLÉ
Introduction Successivement Rabelais et Montaigne ont exposé un programme d'éducation où se manifeste, avant
tout, une réaction contre les méthodes et l'enseignement de leur temps.
Dénonçant les mêmes abus et proscrivant
cet enseignement que symbolisent dans Gargantua les deux précepteurs Thubal Holoferne et Jobelin Bridé qui firent
l'enfant « fou, niais, tout resveux et rassoté » pour avoir voulu lui inculquer tout le fatras de la scolastique, ils ont
proposé un programme de réforme où domine encore chez Rabelais l'ambition d'un savoir encyclopédique, et
qu'inspire chez Montaigne, au contraire, le souci de former le jugement bien plus que d'apprendre pour apprendre.
I.
Rabelais propose une formation à la taille de ses personnages et de son appétit de science
Dans sa lettre à Pantagruel, au chapitre viii du livre II de l'oeuvre de Rabelais, Gargantua ne se soucie guère de
méthode, si ce n'est dans le soin qu'il prend de faire alterner d'heure en heure dans la même journée les diverses
disciplines qu'il veut faire pratiquer à l'enfant.
Ce programme, qui exclut la scolastique, comprend l'ensemble des
connaissances positives du temps et ne laisse de côté ni l'hébreu, le chaldaïque et l'arabe, ni l'astronomie et la
musique, ni la médecine et la botanique.
Il y a place aussi pour l'histoire et la géographie, la géométrie,
l'arithmétique, enfin tout ce qui s'enseigne communément.
Un mot résume cette ambition encyclopédique : « J'y
veux un abîme de science.
»
Toutefois, remarquons qu'une hiérarchie de ces connaissances est affirmée par Rabelais.
Avant toute chose, son
élève s'appliquera aux langues anciennes, « premièrement la grecque et secondement la latine ».
Il s'agit bien d'en
faire un humaniste.
L'éducation physique n'est pas négligée, et le souci y est affirmé de l'éducation morale, car «
science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».
Il faut tenir compte, pour apprécier ce programme, qu'il est exposé dans un livre où tout est également démesuré :
des géants y accomplissent des prouesses surhumaines, y dévorent des animaux entiers.
Il est évident qu'une
semblable exagération volontaire se retrouve dans les pages consacrées à l'institution de Gargantua et dans la lettre
de Gargantua à Pantagruel.
II.
Montaigne montre plus de sagesse et de modération et s'attache avant tout à la formation du jugement
Au chapitre xxv du livre I de ses Essais, Montaigne blâme cette abondance de matière dont on veut saturer l'esprit
des enfants.
« Nous ne travaillons qu'à remplir la mémoire, et laissons l'entendement et la conscience vides.
» Si
cette critique vise assurément Rabelais, l'auteur des Essais n'en est pas moins d'accord avec celui de Gargantua
pour donner à la formation morale la place qui lui revient.
Ils se rejoignent également lorsqu'ils réhabilitent les
exercices qui peuvent fortifier le corps.
L'essentiel de la méthode de Montaigne tient dans l'indépendance du maître vis-à-vis de l'élève : il ne le contraindra
pas, les châtiments sont proscrits, et ce n'est pas toujours dans les livres mais aussi par les voyages et par les
leçons de choses, au hasard des circonstances de la vie, qu'il s'instruira.
On s'attachera à piquer sa curiosité, à
rendre l'éducation amusante.
Le rôle des livres eux-mêmes sera moins d'imposer, à l'enfant des notions que de proposer matière à l'exercice de sa
faculté de réflexion, de jugement critique.
Montaigne est persuadé de la relativité de toutes choses, il se défie de
l'opinion d'autrui et, autant peut-être, de la sienne.
D'où son souci de sauvegarder la liberté d'esprit de son élève :
« Je ne veux pas, dit-il du précepteur, qu'il parle seul, je veux qu'il écoute son disciple parler à son tour...
Il est bon
qu'il le fasse trotter devant lui pour juger de son train...
»
III.
L'idéal d'une bonne éducation, tout en faisant acquérir les connaissances nécessaires, met en avant la
formation du jugement et du caractère
On a peut-être opposé à l'excès le programme d'éducation de Rabelais et celui de Montaigne.
Ils se corrigent et se
complètent.
L'ambition d'un savoir encyclopédique qui fut commun, en son temps, à Rabelais, à Érasme, à tant
d'autres, nous apparaît justement anachronique.
Les sciences, de nos jours, ont pris tellement d'étendue qu'un
esprit même génial ne peut plus les embrasser toutes.
Il reste que l'apprentissage, non pas de tout ce qui peut être
appris, mais d'une science, le droit ou la biologie par exemple, selon qu'on se veut juriste ou médecin, est une
entreprise sans laquelle un homme ne peut être à la hauteur de sa tâche.
Voilà ce que nous retiendrons
principalement de Rabelais.
Montaigne, qui vise à former un homme libre, le veut trop affranchi des nécessités de
l'existence.
La vie n'est pas toute facilité, et l'on n'y prépare pas un enfant sans déjà « lui raidir l'âme ».
Et c'est en
mettant sur son chemin des difficultés qu'il devra vaincre, en lui apprenant à contraindre ses instincts, à s'oublier
lui-même pour des intérêts supérieurs, qu'on en fera un homme utile à sa famille, à sa patrie, à l'humanité..
»
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