Renan: "Une distinction est à faire entre ce qu'on propose à imiter et ce qu'on propose à admirer. Les exemples à imiter doivent toujours avoir quelque chose de médiocre et de bourgeois, car la pratique est roturière. Mais pour obtenir des hommes le simple devoir, il faut leur montrer l'exemple de ceux qui le dépasseront; la morale ne se maintient que par le héros" ?
Extrait du document
«
La plupart des hommes sont médiocres dans le bien comme dans le mal.
Les héros sont rares.
Et ce n'est pas
seulement par manque de générosité, mais aussi parce que les occasions font défaut.
Combien se sont élevés audessus d'eux-mêmes pendant la guerre, dont la vie avait été et est redevenue plate et bourgeoise.
Il y a d'ailleurs
un héroïsme de la vie commune aussi difficile que l'autre.
Mais la pratique en est roturière, elle n'attire pas
l'attention.
Et pour être vertueux et rester fidèle à l'humble devoir de tous les jours, la fréquentation des grandes
âmes est bien utile.
Renan a raison.
La morale ne se maintient que par les héros.
Et c'est pourquoi le théâtre de
Corneille est si bienfaisant.
I.
Les exemples que nous y trouvons sont plus à admirer qu'à imiter.
Les héros de Corneille sont plus grands que nous.
Tout entiers à une grande idée, ils se meuvent dans un monde
supérieur, ils ne connaissent ni nos petites lâchetés, ni nos compromissions.
Clairvoyants, volontaires, ils vont droit
au but.
Et ils sont bien servis par les circonstances exceptionnelles où ils sont placés par le destin ou se placent
eux-mêmes par leur volonté.
(Et comme il voit en nous des âmes peu communes...) Exemples : On n'a pas tous les
jours l'occasion de combattre le frère d'une femme et l'amant d'une sœur...
le père de sa fiancée..
Même au IIIe
siècle, renverser les idoles n'était pas si commun.
L'acte de Polyeucte pouvait paraître imprudent et téméraire.
l'Eglise le défendait.
II.
Cependant le théâtre de Corneille est sain et fortifiant, car la morale ne se maintient que par les héros.
1.
Les héros nous donnent de l'estime pour nous-mêmes, ils nous rendent fiers d'être hommes, car nous savons que
nous sommée de leur race et que ce qu'ils ont fait, nous serions, si nous le voulions, capables de le faire nousmêmes.
Au con traire la faiblesse des autres excuse notre lâcheté.
(Cf.
effet moral de Corneille et de Racine.)
2.
Ils nous convainquent de notre liberté et nous montrent comment nous pouvons rester maîtres de nous-mêmes.
Pour être libre, il faut se croire libre.
Et s'il est vrai que la vie est un combat, c'est tous les jours que nous avons
besoin de nous croire libres.
3.
Enfin les héros nous apprennent à nous surpasser.
En morale il faut viser plus haut que le but que l'on veut
atteindre.
Or le théâtre de Corneille nous arrache à nos petites misères, il nous met devant un idéal d'honneur, de
vertu, d'héroïsme que nous n'atteindrons peut-être pas, mais qui nous éclaire et nous facilite l'accomplissement du
devoir quotidien.
Il nous apprend qu'il est des choses que nous devons savoir préférer à nos plaisirs, à la satisfaction
de nos passions, et même à nos sentiments les plus légitimes.
Il nous montre à quelles conditions la vie mérite d'être
vécue.
Tel est le profit que l'on peut tirer de Corneille et voilà comment il faut le lire.
Ne lui reprochons donc pas ce qui fait
justement sa gloire.
Assez d'autres nous tiennent les yeux fixés sur nos faiblesses, la tyrannie de nos instincts.
Lui
nous élève et nous fortifie..
»
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