René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907) (Recueil : Les solitudes) - La pensée
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René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907) (Recueil : Les solitudes) - La pensée Un soir, vaincu par le labeur Où s'obstine le front de l'homme, Je m'assoupis, et dans mon somme M'apparut un bouton de fleur. C'était cette fleur qu'on appelle Pensée ; elle voulait s'ouvrir, Et moi je m'en sentais mourir : Toute ma vie allait en elle. Echange invisible et muet : A mesure que ses pétales Forçaient les ténèbres natales, Ma force à moi diminuait. Et ses grands yeux de velours sombre Se dépliaient si lentement Qu'il me semblait que mon tourment Mesurât des siècles sans nombre. "Vite, ô fleur, l'espoir anxieux De te voir éclore m'épuise ; Que ton regard s'achève et luise Fixe et profond dans tes beaux yeux !" Mais, à l'heure où de sa paupière Se déroulait le dernier pli, Moi, je tombais enseveli Dans la nuit d'un sommeil de pierre.
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