René GHIL (1862-1925) (Recueil : Légendes d'âmes et de sangs) - Dies irae
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René GHIL (1862-1925) (Recueil : Légendes d'âmes et de sangs) - Dies irae Un soir l'Orgue d'église aux spasmes des Violons Montait loin sa douleur sourde en les râles longs : Voix de genèse, Amour et Trépas, ô pleurs longs ! Un soir l'Orgue montait dans l'horreur des Violons... Horreur ! la Terre pleure, et, grande Trisaïeule, Par la vulve et l'ovaire aux ouvraisons de gueule Ainsi qu'une en gésine appelle et meugle seule : Horreur ! la Terre pleure et pousse, en sa Terreur, Son sein de glaise rouge et l'immense dièse De la genèse en pleurs qui la saigne et la lèse : Horreur ! la Mère pleure et du Tout la genèse Dans le noir a vagi le grand et premier pleur : Horreur ! la Terre a mis au monde ; et, pris de peur, Le noir ivre - sonnez ! - ulule à voix mauvaise : Dans l'Inouï sonnez ! ô vous que rien n'apaise, Sonnez, horreurs du noir et dièse vainqueur !... Sang des dièses ! le Vague en musique ruisselle Sourde ou mélodieuse, et pleure, universelle, Dans le spasme ou le spleen l'angoisse de mamelle, Quand hurle l'aise large ou meugle d'inespoir : Sang des dièses ! le Vague, eau de voix noire et pâle, Voix de gorge se pâme; et, hors du sexe mâle, Le pollen doux et rauque et qui de Tout s'exhale Hurle un péan d'amour et de mâle vouloir : Sang des dièses ! l'Amour hurle son péan noir Dans le noir qui - sonnez ! - ulule au large et râle : Dans l'inouï sonnez, ô rauqueur animale, Plaisir aigu qui pleure aux serres du pouvoir !... Vide et Trépas ! du Tout pleure au loin la nénie : A la Terre au sein noir l'âme du Vague unie Doloroso s'éplore : et le pleur de la pluie, Vide et trépas ! haut darde, et sous l'ire du nord Troue, hélas ! de grands Trous et des mares navrées, Des mares et des mers aux immenses marées Montant : A Toi, Nihil ! ô vainqueur des durées, A Toi gloire ! ô Tueur sans aise et sans remords ! Vide et Trépas ! la mer ample, en l'ire qui mord, A des sourdeurs - sonnez ! - de gorges éplorées : Dans l'Inouî sonnez ! ô voix enlangourées ! Ô noir primordial et soupirs sans essor !... Oh pleurez ! longues voix, sourdes voix, voix des larmes ! Voix du monde qui saigne et qu'aux ivresses d'armes Traverse, pâle et noir, le long peuple en alarmes Des dièses de l'orgue et des âpres Violons ! Oh pleurez ! longues voix de la lèvre animale : Rien ne vaut la douleur et le plaisir qui râle ; Rien ne vaut l'orgue sourd et l'émoi qui s'exhale Apre et rauque, et damné, des Violons noirs et longs : Un soir l'Orgue d'église aux spasmes des Violons Montait loin sa douleur sourde en les râles longs : Voix de genèse, Amour et Trépas, ô pleurs longs ! Un soir l'Orgue montait dans l'horreur des Violons...
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