Renée VIVIEN (1877-1909) (Recueil : Cendres et poussières) - Locusta
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Renée VIVIEN (1877-1909) (Recueil : Cendres et poussières) - Locusta Nul n'a mêlé ses pleurs au souffle de ma bouche, Nul sanglot n'a troublé l'ivresse de ma couche, J'épargne à mes amants les rancoeurs de l'amour. J'écarte de leur front la brûlure du jour, J'éloigne le matin de leurs paupières closes, Ils ne contemplent pas l'accablement des roses. Seule je sais donner des nuits sans lendemains. Je sais les strophes d'or sur le mode saphique, J'enivre de regards pervers et de musique La langueur qui sommeille à l'ombre de mes mains. Je distille les chants, l'énervante caresse Et les mots d'impudeur murmurés dans la nuit. J'estompe les rayons, les senteurs et le bruit. Je suis la tendre et la pitoyable Maîtresse. Car je possède l'art des merveilleux poisons, Insinuants et doux comme les trahisons Et plus voluptueux que l'éloquent mensonge. Lorsque, au fond de la nuit, un râle se prolonge Et se mêle à la fuite heureuse d'un accord, J'effeuille une couronne et souris à la Mort. Je l'ai domptée ainsi qu'une amoureuse esclave. Elle me suit, passive, impénétrable et grave, Et je sais la mêler aux effluves des fleurs Et la verser dans l'or des coupes des Bacchantes. J'éteins le souvenir importun du soleil Dans les yeux alourdis qui craignent le réveil Sous le regard perfide et cruel des amantes. J'apporte le sommeil dans le creux de mes mains. Seule je sais donner des nuits sans lendemains.
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