Résumé: Jacques le Fataliste de DENIS DIDEROT
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«
Jacques le Fataliste de DENIS DIDEROT
Curieuse personnalité que celle de Diderot (1713-1784), un peu débraillée et primesautière comme son oeuvre.
Il
connut la misère, la prison à Vincennes, avant d'entreprendre l'Encyclopédie (1749-1772).
Outre ses romans, Diderot
a écrit des ouvrages de philosophie, de critique d'art et de théâtre.
L'absence apparente de composition rend le résumé difficile car plusieurs récits sont enchevêtrés les uns dans les
autres, abandonnés et repris, mêlés si intimement aux réflexions de l'auteur, qu'il semble que celui-ci ait justement
voulu défier la logique de son lecteur et le perdre à loisir dans les méandres de son histoire.
Jacques et son maître cheminent au hasard : « D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain.
Où allaient-ils ? Est-ce
que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien...
» (p.
25), et Jacques essaie vainement de
raconter ses amours.
Jusqu'à la fin, il ne parvient pas au terme de son récit : blessé à la bataille de Fontenoy, il est
recueilli dans une chaumière et opéré par un chirurgien qui l'héberge chez lui ; attaqué par des voleurs, il est
emmené dans un carrosse vers le château de M.
Desglands où il rencontre Denise, « une des plus honnêtes
créatures qu'il y ait à vingt lieues à la ronde » (p.
190).
Au récit de ces aventures que Jacques conte, le long du
chemin, cent fois interrompu par les péripéties du voyage et les digressions de l'auteur, succède celui des aventures
de son maître.
Le voyage lui-même, pendant lequel devisent Jacques et son maître, est ponctué par différentes étapes : haltes
dans des auberges, un château, ou même simplement « quelque part ».
Chaque étape est marquée par quelque
mésaventure, quelque rencontre insolite.
Un certain nombre de récits sont introduits comme au hasard : le plus important est celui de Mme de la Pommeraye
et de M.
des Arcis que narre une Hôtesse, sorte de nouvelle indépendante sertie dans le corps du récit : pour se
venger de l'infidélité du marquis des Arcis, de la Pommeraye lui fait épouser une fille entretenue qu'il prend pour une
dévote ; la vérité éclate le lendemain du mariage.
• La technique : cette matière si diverse, tantôt narrative, tantôt théâtrale, est coupée par les commentaires que
l'auteur, Diderot, fait sur ce qu'il vient d'écrire et adresse au lecteur.
De telle sorte que le roman se déroule sur trois
plans :
1.
les pérégrinations de Jacques et de son maître ;
2.
les multiples récits qui font l'objet de leurs conversations ;
3.
les interpellations de l'auteur au lecteur.
La prise de position de l'auteur vis-à-vis de son livre, les clins d'oeil au lecteur, constituent une grande originalité.
Tantôt Diderot cherche à dérouter les prévisions du lecteur : « Vous allez croire que...
» (p.
36-37) ; tantôt il
disloque la logique de son roman :« ...et vous vous trompez.
C'est ainsi que cela arriverait dans un roman, un peu
plus tôt ou un peu plus tard, de cette manière ou autrement ; mais ceci n'est point un roman, je vous l'ai déjà dit,
je crois, et je vous le répète encore » (p.
61).
Il se méfie des « faiseurs de romans, à moins que ce ne soient ceux
de Richardson » (p.
265).
Il veut garder toute sa liberté à l'égard de sa propre création : « Il ne tiendrait qu'à moi
de donner un coup de fouet aux chevaux...
» (p.
84) et maîtrise en même temps le destin de ses héros : « Je sais
comment Jacques sera tiré de sa détresse...
» (p.
108).
Il se garde bien de vouloir écrire un roman, c'est-à-dire une fiction : « Mon projet est d'être vrai, je l'ai rempli » (p.
265).
C'est la vérité qu'il poursuit : « Celui qui prendrait ce que j'écris pour la vérité serait peut-être moins dans
l'erreur que celui qui le prendrait pour une fable » (p.
37).
Et sur cette vérité, il s'explique : « La vérité a ses côtés
piquants, qu'on saisit quand on a du génie : mais quand on en manque ? — Quand on en manque, il ne faut pas
écrire » (p.
59).
• Un anti-roman: c'est cette quête de la vérité par l'oeuvre littéraire qui donne à ce roman, à cet anti-roman cet
aspect reportage, pris sur le vif : le voyage picaresque ou donquichottesque permet à Diderot de suivre ses
personnages plutôt que de les précéder.
Le parti pris de ne respecter aucune règle, de ne pas bâtir d'intrigue
impeccable, et de transcrire les choses telles qu'elles se produisent, au moment où elles se produisent, faisant de
l'auteur en même temps un observateur et du lecteur un témoin, donnent à l'action cette apparence de liberté
débridée qu'elle a dans la vie.
• Le fatalisme : mais Jacques est un « fataliste », tout comme Candide était un « optimiste », et si tout est écrit
d'avance, la liberté du romancier rencontre l'obstacle du destin déterminé une fois pour toutes : « C'est qu'il était
écrit là-haut qu'aujourd'hui, sur ce chemin, à l'heure qu'il est...
» (p.
28).
Et « tout ce qui nous arrive de bien et de
mal ici-bas est écrit là-haut » (p.
30).
« Tout a été écrit à la fois.
C'est comme un grand rouleau qu'on déploie petit
à petit » (p.
31).
La notion de destin rencontre alors cette vérité : « Il serait écrit sur le grand rouleau : « Jacques
se cassera le cou tel jour », et Jacques ne se casserait pas le cou ? » (p.
35).
De telle sorte « que nous agissons la
plupart du temps sans le vouloir » (p.
310), et que : « C'est que, faute de savoir ce qui est écrit là-haut, on ne sait
ni ce qu'on veut ni ce qu'on fait, et qu'on suit sa fantaisie qu'on appelle raison, ou sa raison qui n'est souvent
qu'une dangereuse fantaisie qui tourne tantôt bien, tantôt mal » (p.
34).
Le destin des héros de romans, ne seraitce pas le romancier? N'est-il pas celui qui, à son gré, écrit « le grand rouleau » de ses propres personnages ? N'estce pas lui qui les fait heureux ou malheureux ?
• Multiple Diderot : pour la première fois, en même temps qu'il écrit un «roman», le romancier lève le rideau sur les.
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