Résumé: Paul et Virginie de BERNARDIN DE SAINT-PIERRE
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Paul et Virginie de BERNARDIN DE SAINT-PIERRE
Né au Havre, Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) a cherché dans les voyages — nécessité professionnelle (capitaine ingénieur
du roi) ou caprice? — ces « horizons chimériques» que son imagination lui suggérait : Martinique, Europe, île de France.
Se croyant
victime de la société, comme son ami Rousseau, il se délecte du spectacle de la nature et d'une vision de l'âge d'or, qu'il décrira dans
l'Arcadie (1788).
Bien que dénigrées souvent pour leur sensiblerie, ces 150 pages, qui tiennent plus du conte que du roman, n'ont pas perdu leur
pouvoir d'émotion.
C'est l'éveil de deux coeurs qui ne se sont jamais quittés depuis qu'ils ont commencé de battre.
Élevés ensemble
dans l'île de France, Paul et Virginie ont grandi côte à côte, honnêtes et généreux, au sein d'une nature idyllique dont le spectacle
quotidien avait entretenu dans l'innocence leur enfance et leur adolescence.
La nature les avait réunis pour toujours, le destin les
sépare à jamais : Virginie doit recevoir en Europe l'éducation rigoureuse d'une tante revêche.
Comme elle est malheureuse ! Et
comme Paul pleure ! L'épreuve de la séparation semble prendre fin quand apparaît au large le Saint-Géran qui ramène Virginie à Paul.
Mais la tempête s'élève, le navire fait naufrage; Virginie, par pudeur, refuse l'aide d'un matelot, et périt dans les flots.
Comment Paul
survivrait-il ? Ils reposent au pied des mêmes roseaux, Tristan et Iseut des Tropiques.
• L'influence des romans pastoraux : celles de Daphnis et Chloé, de Longus, et de l'Astrée, de d'Urfé, se font sentir dans Paul et
Virginie.
Mais les lectures de Paul sont significatives.
Il aime les romans « qui, s'occupant davantage des sentiments et des intérêts des
hommes, lui offraient quelquefois des situations pareilles à la sienne.
Aussi aucun livre ne lui fit autant de plaisir que le Télémaque, par
ses tableaux de la vie champêtre et des passions naturelles au coeur humain » (p.
159).
• La vie champêtre : elle transporte le lecteur dans un pays lointain.
Ce sont de prodigieuses esquisses de la forêt, de l'océan, du ciel.
L'exotisme s'y présente sous forme de descriptions précises : « Diverses espèces d'aloès, la raquette chargée de fleurs jaunes
fouettées de rouge, les cierges épineux, s'élevaient sur les têtes noires des roches...» (p.
109-110).
Ce tableau se complète par celui
de la vie des planteurs et des esclaves, et des coutumes des indigènes.
• Les passions naturelles au coeur humain : elles y sont représentées dans un but moral ; en réaction au vice qui s'était étalé dans les
romans contemporains, Bernardin fait l'éloge de la vertu et transpose l'idéal rousseauiste dans un Clarens tropical où le sentiment
participe d'un amour universel : « Quelque chose de toi que je ne puis dire reste pour moi dans l'air où tu passes, sur l'herbe où tu
t'assieds.
» Le bonheur, c'est la nature (p.
129).
• Un but social : c'est un nouvel Eldorado que cette île où il y avait « tant de bonne foi et de simplicité...
que les portes de beaucoup de
maisons ne fermaient point à clef et qu'une serrure était un objet de curiosité pour beaucoup de Créoles » (p.
127).
Le thème de
Robinson y rejoint celui des utopies : Bernardin rêve d'une vie sociale régénérée par la nature, d'une société en miniature où le
bonheur existe.
• La poésie : les innombrables amours indigènes du XIXe siècle, Indiana de George Sand (1831), ou le Mariage de Loti de Pierre Loti
(1882), n'auront plus jamais le charme de ce croquis à demi noyé dans l'irréel.
Paul et Virginie fut un livre phare pour beaucoup d'auteurs de la première moitié du XIXe siècle, et pourtant l'amour des deux héros
exclut tout ce que le romantisme met dans les relations amoureuses : la jalousie, la rivalité, l'infidélité, le dédoublement de l'érotisme
(ange et démon, chair et esprit) ou l'adultère.
Leur innocence, malgré la pudeur de Virginie, donne à leurs relations une dimension qui
ne serait pas crédible si le cadre de l'histoire n'avait été une île encore à l'abri des mœurs de l'Europe.
Ayant connu un énorme succès jusqu'en 1850 environ, le livre de Bernardin de Saint-Pierre fut très discrédité après cette date et
particulièrement par certains auteurs du XXe siècle.
Malgré cela, tout le monde connaît l'histoire de Paul et Virginie, ce qui montre que
l'œuvre, appréciée ou non, tient une place importante dans l'histoire de la littérature.
Paul et Virginie naissent et grandissent ensemble.
Ils s'aiment en frère et sœur, puis en amants jusqu'à ce que la mort les sépare.
Un amour idéal
Comme Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult, V_x Paul et Virginie sont les personnages symboliques d'un amour parfait.
Élevés par
leurs mères que la société a rejetées, ils grandissent dans l'île de France (aujourd'hui île Maurice) et jouissent d'une éducation très
rousseauiste, en parfaite harmonie avec la nature.
Leurs vertus sont spontanées, innées, et leur innocence les préserve du mal tant en
actes qu'en pensées.
Mais Virginie est la seule héritière d'une vieille tante qui vit en France et, afin d'assurer à sa mère et à celle de
Paul une vie plus paisible, elle part chercher son dû.
Les contacts avec la société s'avèrent difficiles pour la jeune fille, qui n'a pas plus
d'éducation qu'une soubrette, et Paul se lamente de cette interminable séparation.
Leur amour est si fort, la vie en Europe tellement
impossible que Virginie rentre quelques années plus tard.
Hélas, la mer ne laissera pas aux jeunes amants le temps de se revoir :
Virginie meurt dans un naufrage, sous les yeux de Paul qui, inconsolable, mourra deux mois plus tard.
L'ombre de Rousseau
Ce roman, réécrit plusieurs fois pour atteindre la perfection, est définitivement édité en 1787.
Après Rousseau, Bernardin de SaintPierre s'engage dans la voie des théories sociales et humanitaires.
Comme son maître à penser, il est l'un des précurseurs du
romantisme et, sinon le créateur, du moins l'initiateur d'une littérature exotique qui comptera parmi ses représentants des auteurs tels
que Chateaubriand, Flaubert, Loti ou Heredia.
« J'ai tâché, écrivit-il, de peindre un sol et des végétaux différents de ceux de l'Europe.
Nos poètes ont assez reposé leurs amants sur les bords des ruisseaux, dans les prairies et sous le feuillage des hêtres.
» Mais les
amants de Bernardin, à la différence des autres, sont naturellement bons, et s'ils sont élevés au milieu de « nègres », c'est pour
représenter l'humanité dans sa primitive ignorance, innocente et vertueuse par rapport à une société corrompue.
Avec Paul et Virginie,
Bernardin de Saint-Pierre s'est fait plus rousseauiste que Rousseau lui-même..
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