Ronsard, Sonnets pour Hélène I, 2
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Ronsard, Sonnets pour Hélène I, 2
Quand à longs traits je boy l'amoureuse étincelle
Qui sort de tes beaux yeux, les miens sont esblouïs.
D'esprit ny de raison troublé je ne jouïs,
Et comme yvre d'amour tout le corps me chancelle.
Le coeur me bat au sein, ma chaleur naturelle
Se refroidit de peur, mes sens esvanouïs
Se perdent tout en l'air, tant tu te resjouïs
D'acquerir par ma mort le surnom de cruelle.
Tes regards foudroyans me percent de leurs rais'
La peau, le corps, le coeur, comme pointes de trais
Que je sens dedans l'ame, et quand je me veux plaindre,
Ou demander mercy du mal que je reçois,
Si bien ta cruauté me reserre la vois,
Que je n'ose parler, tant tes yeux me font craindre.
Le texte que nous avons à étudier est tire du recueil écrit par Pierre de Ronsard : Sonnets pour Hélène (1578).
Dans
ce recueil écrit a la fin de sa vie, Ronsard mêle deux thèmes majeurs : d'une part l'épicurisme et la poursuite du
bonheur, d'autre part l'immortalité que prodigue la poésie.
Les Sonnets pour Hélène incarnent donc à la fois une forme
de provocation puisque Ronsard projette une vision réaliste de son propre avenir ; mais il est aussi un appel à vivre le
présent pour vaincre la mort dans une veine qu’Epicure n’aurait sans doute pas reniée.
Ce poème est un sonnet, c’est
à dire l’actualisation d’une forme poétique particulièrement exigeante inaugurée par le poète Pétrarque.
Dans le texte
qui nous occupe aujourd’hui, Ronsard aborde un thème poétique qui peut être considère comme pour le moins classique
puisqu’il s’agit du thème de l’amour, et plus précisément de l’effet produit par la femme aimée sur l’énonciateur du
texte.
Nous verrons que Ronsard crée un texte particulièrement exigeant du point de vue formel, dont la notion de
paradoxe ou de balancement peut être considérée comme centrale.
En effet, nous avons affaire a une déclaration
d’amour ou la personne du poète est particulièrement omniprésente, avec la surabondance du pronom personnel
« je » ; et nous avons affaire a un texte ou la relation amoureuse est considérée a la fois comme l’occasion d’un
éblouissement et celui d’une crainte et d’une souffrance.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer de quelle manière Ronsard renouvelle la forme du
sonnet et le thème topique de l’amour en jouant sur de constants paradoxes.
Si dans un premier temps nous pouvons étudier la structure et la forme du texte afin de montrer que nous avons
affaire a un sonnet parfaitement régulier, nous verrons ensuite dans quelle mesure la notion de balancement est
fondamentale pour en entendre les enjeux : tout d’abord parce qu’il chante la femme aimée en ne cessant de se
rapporter a la personne de l’amant ; mais aussi parce que l’éblouissement amoureux est liée la souffrance, ce qui
influencera durablement la pensée occidentale de l’amour.
I.
a.
Un sonnet parfaitement maitrisé
Un sonnet parfaitement régulier
Nous commencerons par étudier ce texte en fonction de la forme qui est la sienne.
En effet, nous pouvons constater
que le poème de Ronsard est un sonnet parfaitement régulier.
Nous trouvons dans ce texte toutes les caractéristiques
du sonnet : il s’agit d’un poème compose de deux quatrains et d’un sizain, jouant sur une alternance de rimes (les
rimes sont embrassées dans les quatrains, suivies et embrassées dans le sizain).
Ronsard manie parfaitement les
alexandrins en respectant rigoureusement la césure a l’hémistiche (« Que je sens dedans l'âme//et quand je me veux.
»
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