Rutebeuf
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L’un des points culminants de notre Histoire : tandis que nos architectes répandent d'une extrémité à l'autre du monde connu, d'Upsal en Suède à Famagouste en Chypre, l'art opus francigenum, que l'on parle notre langue sur les marchés de Nijni-Novgorod comme sur les rives de la Tamise, un prince de France se prépare à ceindre la couronne de roi de Jérusalem : Il a nom le roi Charles, il faut des Rolands.
C'est encore l'époque des grands passages outre-mer, où retentissent les appels à la croisade : Voici le temps, Dieu vous vient guerre,/Bras étendus, de son sang teint. D'autres appétits se sont éveillés avec le temps ; la bourgeoisie, maîtresse des cités, ne pense qu'au gain d'argent : Riches bourgeois d'autrui substance,/Qui faites Dieu de votre panse... / Du blé aimez la grand vendue... / Vil acheter et vendre cher/Et usurer et gens tricher.
Que servira à ces commerçants rapaces leur fièvre de spéculation ? Je vois aucun riche homme faire maisonnement :/Quand il l'a achevé du tout entièrement,/ Lui en fait-on un autre, de petit coûtement.
Le mal a gagné jusqu'à l'Eglise : Plus est bon clerc qui plus est riche/Et qui plus a est le plus chiche...
Une exception pourtant, parmi les clercs : les "écoliers" : Hors écoliers, autre clergé/Sont tous d'avarice vergés.
Ces "écoliers" ne sont pas les moins agités dans un monde en effervescence. Moines et séculiers se disputent l'enseignement, et toute l'Université prend fait et cause pour les uns ou pour les autres ; en 1250, grèves et troubles éclatent ; ils dureront sept ans. Rimer me faut d'une discorde/Qu'à Paris a semé Envie/Entre gens qui miséricorde/Sermonnent et honnête vie.