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SAINTE-BEUVE: POÈTE, ROMANCIER, CRITIQUE

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Il a le goût de ce que Verlaine appellera plus tard la chanson grise », c'est-à-dire d'un lyrisme familier et sans éclat, discret jusque dans l'expression de la plus profonde douleur. Il prend pour modèles les lakistes anglais, quelquefois Lamartine. Il s'efforce de traduire les nuances intimes et fugitives. Ses vers offrent des trouvailles originales, d'exquis détails. Mais l'ensemble est souvent mal venu et donne une impression de bizarrerie. Les phrases sinueuses, les constructions audacieuses, les images déconcertantes sont accumulées comme à plaisir. Cet embarras, cette complication résultent d'un excès de scrupules, d'un paralysant souci de bien écrire. Enfin, la solennité raisonneuse du ton, héritage de l'art classique, fait parfois un curieux contraste avec le prosaïsme des sujets.

« SAINTE-BEUVE POÈTE Il a le goût de ce que Verlaine appellera plus tard la chanson grise », c'est-à-dire d'un lyrisme familier et sans éclat, discret jusque dans l'expression de la plus profonde douleur.

Il prend pour modèles les lakistes anglais, quelquefois Lamartine.

Il s'efforce de traduire les nuances intimes et fugitives.

Ses vers offrent des trouvailles originales, d'exquis détails.

Mais l'ensemble est souvent mal venu et donne une impression de bizarrerie.

Les phrases sinueuses, les constructions audacieuses, les images déconcertantes sont accumulées comme à plaisir.

Cet embarras, cette complication résultent d'un excès de scrupules, d'un paralysant souci de bien écrire.

Enfin, la solennité raisonneuse du ton, héritage de l'art classique, fait parfois un curieux contraste avec le prosaïsme des sujets. Poète de second ordre, Sainte-Beuve a néanmoins exercé une forte influence sur la poésie intimiste, celle de Coppée et de Verlaine.

D'autre part, il a fourni à Baudelaire le modèle d'une poésie qui se penche avec prédilection sur les états d'âme morbides et qui trouve un plaisir cruel à se repaître d'amertume. SAINTE-BEUVE ROMANCIER Dans Volupté, son unique roman, Sainte-Beuve raconte l'histoire de sa jeunesse inquiète et passionnée.

Lés allusions au ménage Hugo (M.

et Mme de Couaén) y sont transparentes, quoique le poète soit travesti en un chef de conspirateurs royalistes.

Ce roman est un témoignage exceptionnellement pénétrant sur les aspirations excessives et contradictoires de l'âme romantique, sur l'échec auquel elles sont vouées, le désespoir qui en résulte. Sainte-Beuve n'est point dupe des grands sentiments.

Il en découvre les causes mesquines cachées au plus profond de nous-mêmes comme des tares secrètes. Ce qui nuit à ce roman, c'est que le ton en est triste, l'action trop lente et trop régulière.

Le style « donne accès à trop de mots impropres, à trop d'images qui toutes ne sont pas justes, à des tournures de phrases trop obstinément explicatives » (George Sand).

Il ne s'agit d'ailleurs pas là de négligences.

Le narrateur est prêtre et Sainte-Beuve s'efforce de lui faire parler un langage approprié à sa condition. Cette oeuvre n'était point destinée à une grande popularité.

Mais elle intéressa une élite.

Lamartine s'en inspire dans l'épisode de Jocelyn où il conte la mort de Laurence.

Balzac, en écrivant Le Lys dans la vallée, recompose à, sa façon le roman de Sainte-Beuve. SAINTE-BEUVE CRITIQUE Avant 1849, Sainte-Beuve avait disposé du temps suffisant pour écrire ou du moins pour concevoir des ouvrages portant sur de vastes ensembles : la Pléiade, Port-Royal, Chateaubriand et son groupe littéraire.

Après 1849, se trouvant dans l'obligation d'écrire un feuilleton chaque semaine, il renouvelle constamment ses sujets d'étude.

Sa manière y gagne en vivacité, le ton est plus catégorique, surtout à partir du moment, i86o environ, où l'importance de sa situation littéraire lui permet de dire tout ce qu'il pense. Sa méthode consiste essentiellement à comprendre et à définir.

A travers les oeuvres, il s'efforce d'apercevoir les âmes.

Il s'attache avec un soin particulier aux portraits de femmes.

Il se penche volontiers sur les écrivains de second ordre, les auteurs de mémoires, par curiosité de psychologue et pour obéir aux exigences de l'actualité.

Il se pose à propos des « personnages littéraires » des questions comme celles-ci : « Que pensait-il en religion? Comment était-il affecté du spectacle de la nature? Comment se comportait-il sur l'article des femmes? Sur l'article de l'argent ? » Ayant acquis par un travail acharné une vaste culture, il excelle à suivre les courants d'idées, à faire la peinture des milieux. Vers 1862, il est amené sous l'influence de Taine à concevoir la critique comme une histoire naturelle des esprits. Peut-être faut-il voir là, surtout une concession à la mode.

Il continue en effet de se fier à son intuition.

Mais sa préoccupation de vérité objective s'est accrue.

Il accorde plus d'importance à la recherche des documents, à leur contrôle.

Il apparaît déjà comme un adepte de la méthode historique. On a pu lui reprocher de céder à ses antipathies, tout en s'efforçant de les masquer.

Les réserves qu'il formule à propos de ses contemporains les plus illustres, Chateaubriand, Lamartine, Vigny, Musset, révèlent une secrète jalousie.

Il n'a rendu pleinement justice ni à Balzac, ni à Stendhal, ni à, Baudelaire.

Il a beaucoup plus de largeur d'esprit lorsqu'il parle des grands classiques. Au total, cet homme intelligent, ce grand artiste reste le maître inégalé de la critique.

Il a su rendre attachant un genre jusqu'alors ingrat.

L'un de ses contemporains a fait de lui ce bel éloge : « On dirait Montaigne devenu critique ».. »

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