SAMIVEL, L'amateur des abîmes
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L'automobile est un excellent moyen et agréable engin de transport rapide, mais un détestable moyen de découverte. Jamais on n'a tant voyagé, et jamais aussi les gens n'ont moins profité de leurs voyages. Ces malheureux qui avalent pèle-mêle des kilomètres traversent la moitié de la France, six régions, trente villes, quatre cents villages, vingt siècles d'histoire sans en retirer d'autres que des pannes et des pneus crevés.
C'est presque une banalité de répéter que la seule manière adéquate de visiter certaines régions, c'est de les parcourir à pied. D'abord parce que la marche aiguise l'appétit et l'intellect et qu'elle place naturellement le voyageur dans un état de réceptivité qui multiplie l'intérêt de tout ce qu'il rencontre. Ensuite, parce que ce moyen est lent, exige un effort personnel, permet d'entrer en contact avec les choses et les gens d'une manière progressive.
A pied, un arbre est un arbre, avec sa peau rugueuse. En voiture, c'est une ombre parmi des centaines d'ombres toutes pareilles. A pied, tout prend un sens, tout chante son petit couplet. Le monde se subdivise à l'infini, révèle à chaque seconde des visages dont on ne soupçonnait même pas l'existence, éveille l'intérêt par cent détails inattendus. Mais la vitesse unifie tout !
SAMIVEL, L'amateur des abîmes
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- Commentez cette réflexion de P.-A. Touchard dans L'Amateur de théâtre ou la Règle du jeu : « Il y a une fatalité dans le roman comme il y a une fatalité au théâtre, mais la fatalité du roman est dans le personnage, celle du théâtre dans la situation. Le roman tend à nous faire souvenir que l'homme est déterminé par ses propres passions; le théâtre à nous rappeler que son destin demeure le jouet des événements. »
- La Font aine, Fables, Livre VIII, Fable 10, « L'ours et l'amateur des jardins »
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