SENANCOUR
Extrait du document
«
La destinée d'Étienne de Senancour est émouvante et solitaire.
Ses études achevées, en 1789, il gagne la Suisse
pour échapper à l'ennui de choisir une profession; il épouse, en 1790, une jeune fille de Fribourg.
Après Thermidor,
déçu, désorienté, il regagne Paris; il s'est pris d'une vive passion pour la soeur de son ami Marcotte, qu'il a le
chagrin de retrouver mariée.
En 1795, ayant perdu ses parents, il séjourne dans le Valois et traverse les jours les
plus sombres de son existence.
Ruiné par l'effondrement des assignats, il doit bientôt gagner sa vie et devient, en
1799, à Paris, le précepteur des -enfants du maréchal de Beauvau.
En 1802, il découvre, à Fribourg, que sa femme
l'a trahi et rompt définitivement avec elle.
Finalement, il dit adieu aux rêves de sa jeunesse et cherche un point
d'appui spirituel.
Nourri des philosophes, il demeure hostile au christianisme; mais il s'intéresse aux doctrines
illuministes.
Tout en se mêlant aux controverses politiques et religieuses, il cultive en lui ce désenchantement
sentimental et cette fièvre d'Absolu dont Oberman (1804), son chef-d'oeuvre, porte le témoignage.
Le journal d'un homme seul : Oberman.
Ainsi que l'a montré M.
Monglond, Oberman doit être lu comme un journal intime.
Dans cette suite de quatre-vingtneuf lettres, Senancour a retracé en effet l'histoire de son expérience intérieure entre les années 1789 et 1803.
Au premier séjour en Suisse correspondent les lettres de l'an I.
Notamment, dans la première, datée de Genève, le
héros confie à son correspondant les raisons de son expatriement et il analyse son inadaptation à la vie sociale.
Aux années vécues à Paris en 1794 et 1795 correspondent les lettres des années II et III.
Oberman évoque la
femme aimée, Mme Del., et soupçonne, déjà, que le bonheur n'est pas fait pour lui.
Puis vient la grande détresse de la période 179597 (ans IV et V).
Oberman, réfugié dans le Forez, note
douloureusement : « Pas un sentiment de joie en deux années.
» En l'an VI, il se ressaisit quelque peu; en l'an VII,
comme Senancour à l'hôtel Beauvau, il se sent « sauvé par des occupations un peu commandées ».
A partir de cette date, Senancour, au lieu d'évoquer le passé, transpose les événements et les sentiments de son
existence au jour le jour.
Il attribue à un personnage épisodique, Fonsalbe, son malheur conjugal et décrit le site
idéal d'Imenstrôm, asile pastoral où le héros abrite définitivement sa destinée solitaire.
Oberman est une confidence prolongée sur la vie sentimentale de Senancour.
Comme l'écrivain, le héros a souffert
de son dépaysement parmi les hommes et rêvé d'un bonheur impossible; comme lui, marqué par la souffrance, il
tâche d'oublier sa désillusion et se réfugie dans un dilettantisme nuancé de mélancolie : « Je suis las, mais, dans ma
solitude, je trouve qu'on n'est pas mal quand on se repose.
La vie m'ennuie et m'amuse.
»
En même temps, Oberman est le journal d'une âme attirée par les problèmes spirituels.
Ainsi que le révèle son
nom, le héros est « l'homme des hauteurs »; il s'intéresse passionnément aux doctrines qui prétendent apporter à
leurs adeptes une certitude transcendante.
Oberman disserte sur Pythagore et sur le symbolisme du nombre; il
médite sur les visions de Swedenborg.
L'oeuvre de Senancour, qui résume l'expérience amoureuse de sa jeunesse,
annonce donc aussi les recherches mystiques de sa maturité..
»
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