Serge Essenine
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Serge Essenine
Serge Essenine est né à Konstantinopolo, un village du gouvernement de Riazan, sur l'Oka, au sud-est de Moscou.
Il
était issu d'une famille de paysans pauvres et passa la plus grande partie de sa jeunesse aux travaux de la ferme,
ouvert aux fantasmes comme aux réalités les plus directes de la terre inculte ou labourable.
Doué dès l'enfance
d'une imagination très éveillée, il a puisé dans les forces de la nature et son spectacle quotidien un aliment à ses
instincts natifs.
Les éléments, l'eau, le vent, ont été si l'on peut dire ses premières nourritures spirituelles.
Il m'a raconté la dure éducation qui fut la sienne.
A l'âge de 3 ans, on l'avait poussé comme un poulain dans les
steppes, et c'est comme un jeune animal qu'il eut à se dépétrer des pièges de la nature.
Serge vivait, une partie de
l'année, chez un de ses oncles.
Un beau matin, l'éleveur planta le jeune garçon sur l'échine d'une jument.
Intrépide,
Serge donna du talon aux flancs de la bête qui partit en vitesse.
La première randonnée du futur poète fut une
course au galop.
Il parait qu'il s'en tira avec honneur.
Je me représente aussi le père d'Essenine apprenant à nager à
son jeune fils en le jetant à même une crique du fleuve Oka ! "Tire-toi d'affaire tout seul, garnement !" L'oncle le
menait parfois à la chasse ; quand le chien manquait, c'est Serge qui ramassait le gibier ; parfois il fallait traverser
un ruisseau ou une rivière.
Comme son père lui avait dit, avant de le tremper dans le fleuve : "Tu n'es bon à rien, va
prendre une leçon de nage et me reviens nageur !" l'oncle avait dû lui souffler quelque objurgation de ce goût en le
mettant en chasse comme un Jeune limier.
Une deuxième chose à noter, c'est l'amour manifesté par le poète paysan pour les icônes et pour les chansons.
On
ne conçoit bien les ouvrages des hommes qu'en montrant dans quel cadre ils ont vécu et à quelles sources ils
doivent leur matière et leur esprit.
Les icônes, Essenine apprit à les révérer d'abord sous la coupole des églises, et le dessin aussi bien que la couleur
de ces images pieuses lui révéla le côté sacré de l'art du poète ; ce sacré "naturel", qui est en même temps le
secret de son style.
Quant aux chansons, il les entendit d'abord dans son village où passaient, les jours de fête, des
chanteurs ambulants.
C'est ainsi qu'il prit contact avec la poésie orale.
Ces sortes de trouvères débitaient des
couplets de leur cru ou d'anciennes "gestes" remaniées d'âge en âge par l'imagination des chanteurs.
Le gardeur de
chevaux, le limier des bois et des rivières, avalait le suc de cette littérature, et tout naturellement commença à
rimer ses propres inventions qu'il chanta, gueula, pour lui-même, ensuite pour les bêtes et les éléments, ses amis.
La
renommée du poète campagnard dépassa un jour les frontières de sa province et alla toucher un grave fonctionnaire
qui prit l'adolescent sous sa protection.
C'est cet homme qui conduisit Essenine jusqu'à la cour du tsar, où il fut
invité à lire ses vers.
Après une de ces lectures, l'impératrice manifesta son étonnement : "La Russie est-elle donc si
triste ?" Il y avait, au fond de ces poèmes, une ombre accentuée de nostalgie.
C'est le même fonctionnaire qui mena Serge, à la suite des grands pèlerinages, dans les basiliques où il put admirer
les plus anciennes images religieuses.
Il importe d'ajouter que, pendant la Grande Guerre et au cours des débuts tumultueux du léninisme, Serge Essenine
mena une vie vagabonde, jusqu'au moment où le phare de la renommée le prit dans son halo lumineux.
Essenine reste tout entier, dans son oeuvre, le chantre rustique des steppes, de leurs populations humaines et de
leur faune.
Presque toutes les images sont tirées de la nature la plus primitive.
Cela se remarque surtout dans ses
premiers poèmes, Au pays des canailles et la Confession d'un voyou.
Essenine s'y peint tel qu'il fut, sans
ménagement ni fard.
La Confession d'un voyou, la première suite de poèmes traduite en français et publiée en 1922
dans "le Disque Vert" est le témoignage le plus authentique, tantôt violent, tantôt attendri, de l'amour du poète
pour les lieux de son enfance.
Une partie de l'oeuvre d'Essenine est donc rétrospective par l'inspiration, si elle est,
par l'expression, bien actuelle.
Dans un autre poème, d'une envolée en quelque sorte épique, et intitulé :
Pougatcheff, chef des rebelles persécutés par les nobles de Catherine II, Essenine se confesse en un langage fier et
émouvant.
Parmi les poètes de la Révolution russe, Essenine reste l'un des plus puissants.
Un authentique magnétiseur des
foules, au même titre que Maïakovsky, mais d'une tout autre inspiration, pleine de substance humaine et de sève
rustique.
Contrairement aux autres poètes de l'époque, qui feignent d'ignorer le passé, ou qui y ont renoncé avec
plus ou moins de résignation, comme Brussov, Essenine est demeuré ce qu'il avait été dès le jeune âge : le poète
par excellence des steppes, des champs et des isbas, le dernier de ces poètes, comme il dit lui-même : "Malade de
souvenirs d'autrefois." Noble aussi jusqu'à l'orgueil :
Russie, ma Russie des bois je suis ton seul chantre, j'ai nourri
La tristesse de mes vers bestiaux
Avec de la menthe et du réséda...
Autre part, ne crie-t-il pas, dans son enthousiasme égotiste :
Pauvres, pauvres paysans,.
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