Théâtre et stratagème chez Marivaux
Publié le 22/04/2023
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Marivaux en quelques dates
→ Pierre Carlet de Chamblain (de Marivaux : né à Paris en 1688, ds un milieu de petite noblesse.
Enfance en province, se destine à des études de droit.
→ En 1710, inscription à la faculté de droit de Paris, mais rencontre de l’écrivain et philosophe
Fontenelle qui l’introduit dans les milieux littéraires, bouleversant ses projets.
Marivaux s’essaie d’abord à ts les genres littéraires : la comédie en vers (Le Père prudent et
équitable) le roman parodique (La Voiture embourbée) le poème burlesque (L’Homère travesti), la
chronique journalistique.
Commence à signer Marivaux en 1716 (nom d’une terre).
→ En 1717, mariage qui consolide sa position sociale, mais ensuite ruiné par la banqueroute de Law.
Contraint d’écrire pour élever sa fille, sa femme étant morte en 1723.
→ Voue son existence au théâtre : Arlequin poli par l’amour joué par les Comédiens Italiens : début
d’une collaboration fructueuse qui durera vingt ans.
(le personnage d’Arlequin encore présent dans les FC mais en retrait).
→ Des comédies sentimentales : réalité sociale et observation sacrifiées au profit de l’analyse
psychologique.
Marivaux fasciné par la naissance de l’amour et les conflits dont elle s’accompagne.
Thème repris et enrichi de pièce en pièce : La surprise de l’amour (1722), La Double inconstance
(1723), Le jeu de l’amour et du hasard (1730) Les Fausses confidences (1737).
Etude psychologique soutenu par un art du langage, appelé le marivaudage= badinage léger et
élégant, qui masque la réalité grave du sentiment.
Tout un art subtil du langage parfois tourné en
dérision : ainsi Voltaire reproche à Marivaux de « peser des œufs de mouches dans des balances en
toiles d’araignée ».
→ Mais aussi des comédies philosophiques qui développent une analyse sociale dans un cadre
utopique : L’Iles des Esclaves (1725) La Colonie (1729)
→ Outre son œuvre de dramaturge, Marivaux anime et fait paraître des journaux : Le spectateur
français, Le cabinet du philosophe→ œuvre de moraliste qui regarde sans indulgence le monde.
Mais aussi des romans, comme La Vie de Marianne, Le Paysan Parvenu : romans inachevés au
centre desquels se pose le problème de la connaissance de soi.
Des éducations sentimentales.
→ Elu à l’Académie Française en 1742, Marivaux ne compose plus que quelques pièces jouées à la
Comédie Française, et des Discours sur la langue et la littérature.
→ Meurt en 1763.
Emmanuelle Sanz- Lycée Félix Faure de Beauvais et Pascale Delamarre- Lycée du Bois d’Amour de Poitiers
Explication linéaire 1 : acte I scène 2, de « Votre bonne mine est un Pérou » à la fin de la scène
Introduction.
Marivaux, journaliste, romancier et dramaturge, a dominé l’histoire de la comédie de la première
moitié du XVIIIe siècle.
Héritier de Molière et de la commedia dell’arte, il fait pourtant œuvre originale en
élaborant la plupart de ses comédies autour de la naissance difficile du sentiment amoureux, en lutte contre
l’amour propre des personnages.
Créée en 1737, la pièce Les fausses confidences, repose sur le stratagème
monté par Dubois, ancien valet de Dorante, jeune bourgeois ruiné, pour lui faire épouser Araminte, une
veuve beaucoup plus fortunée que lui, appartenant à la bourgeoisie d’affaires montante.
La première scène
montre l’arrivée de Dorante chez Araminte : il vient se présenter pour un poste d’intendant.
A la scène 2,
Dorante est accueilli par Dubois, rentré au service d’Araminte, et le dialogue complète l’exposition.
Dans
notre passage, les deux personnages parlent secrètement de leur projet : mais Dorante, véritablement
amoureux, a peur de l’échec, tandis que son ancien valet s’emploie à le rassurer avec la plus grande
détermination.
Nous nous demanderons, dans ce dialogue d’exposition, comment la mise en place du
stratagème pose le duo maître valet.
(2 mouvements : la question de l’argent ; la question de l’amour)
I-
La question essentielle de l’argent dans cette société : obstacle au stratagème ? (jusqu’à ligne
46)
1- L’atout du physique (Du début à «toutes les dignités possibles » )
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A Dorante qui vient d’exprimer sa crainte face à la différence de fortune entre Araminte et lui, Dubois
oppose l’atout de son physique avantageux : « votre bonne mine » « Voilà une taille qui vaut… ».
Il assimile avec humour position sociale et qualités physiques, de façon à flatter/rassurer Dorante,
sans crainte d’aller contre l’idée réaliste qu’on se fréquente et qu’on se marie entre pairs : jeu de
mots « Votre bonne mine est un Pérou » ( Pérou pays symbole de richesse , grâce à ses mines : jeu
sur la polysémie du mot) ; paradoxe exprimée par la négation « il n’y a point de plus grand seigneur
que vous à Paris », sous prétexte qu’il est beau ; et hyperbole « toutes les dignités possibles » ,
lexique de la distinction sociale ici appliqué à « la taille « de Dorante, donc à sa prestance physique
apte à séduire Araminte.
Dubois, tout en vouvoyant Dorante, adopte ici un ton très libre «Tournez-vous un peu que je vous
considère » : le ton du confident qui rassure son maître mais assez familier pour effacer en partie la
distance sociale.
Impératif déjà signe qu’il va diriger la partie, voire dominer son maître.
2- Doutes du maître contre assurance inébranlable du valet
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La répétition de l’adjectif « infaillible » renforcé par l’adverbe « « absolument » marque une
immense assurance qui ne doute pas un instant d’elle-même, jusqu’à se projeter dans l’intimité du
couple qu’il entend former « il me semble que je vous voie déjà en déshabillé dans l’appartement de
Madame ».
Sorte de vision audacieuse, à connotation sexuelle.
Face aux doutes de Dorante exprimés par la nominale exclamative « Quelle chimère ! » il renforce
encore sa vision provocatrice de l’avenir : suppression de la principale « il me semble » + subjonctif,
Emmanuelle Sanz- Lycée Félix Faure de Beauvais et Pascale Delamarre- Lycée du Bois d’Amour de Poitiers
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pour poser l’avenir supposé comme s’il était réel : « vous êtes actuellement » : indicatif + adverbe
temporel.
Les possessifs et les CC font avant l’heure de Dorante le propriétaire des lieux.
Avec le plus grand réalisme, Dorante lui oppose le revenu chiffré d’Araminte, jetant une certaine
ambiguïté sur l’entreprise (il est un peu trop informé pour être vraiment désintéressé….) ce que
Dubois contre aisément.
Loin de nier la différence de revenus, il la met en évidence, non sans
humour : « vous en avez bien soixante ».
II – La question de l’amour, défendue par le valet dominant le dialogue.
1- La passion de Dorante (jusqu’à « que je tremble »)
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Dorante continue à argumenter sur l’issue incertaine du stratagème, mais en remplaçant l’objection
sociale sur l’argent par celle plus psychologique sur le tempérament « raisonnable » d’Araminte,
renforcé par l’adverbe « extrêmement » , raison qu’il oppose implitement à la passion.
La question,
suivant l’ordre d’une déclarative, sert aussi bien l’exposition que l’expression des doutes de Dorante.
Passion qu’il exprime avec ferveur dans sa réplique « Je l’aime avec passion » , amour posé comme
la cause de son angoisse « et c’est ce qui fait que je tremble ».
Ainsi la passion, dans la tradition
classique, apparaît comme une faiblesse qui fragilise l’être.
Révèle ici une facette plus sympathique
de sa personnalité.
Dubois continue à lui exprimer sa certitude du succès, d’abord à travers l’antithèse dans le
parallélisme « Tant mieux pour vous, et tant pis pour elle ».
Puis il décrit au futur le combat que
l’amour propre de sa maîtresse va mener contre l’amour : groupe ternaire des trois principales ,
suivie d’une consécutive annoncée par la triple corrélation « si, tant, si » : combat qu’il annonce
comme éprouvant, débouchant nécessairement, et paradoxalement, sur le mariage : « si
fiable…qu’elle ne se soutiendra qu’en épousant ».
La volonté de Dubois de réconforter son ancien
maître ne va pas sans cruauté envers Araminte, et la vision qu’il donne de l’amour a qq chose de
tragique.
2- Dubois maître d’œuvre du triomphe de l’amour, double du dramaturge.
(tirade finale)
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Pour mettre fin au débat, Dubois n’hésite pas à rabrouer son maître (antithèse « vos terreurs » vs
« confiance »), et à occuper plus longtemps la parole pour faire taire ses inquiétudes.
Le groupe
ternaire « Je m’en charge, je le veux, je l’ai mis là » est signe d’une assurance qui pourrait passer pour
de l’arrogance si elle n’avait force de persuasion.
Le « je » omniprésent dans la tirade, peut se doubler d’un « nous » (l.
55), qui réunit sans doute le
valet et le maître, mais en donnant au premier la part belle.
Le chiasme « nous sommes convenus
de toutes nos actions, toutes nos mesures sont prises » fait de lui un stratège, un maître d’œuvre
prêt à tirer toutes les ficelles.
La phrase qui commence à « Je m’en charge » très longue....
»
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