THÉOPHILE GAUTIER: L'art pour l'art
Extrait du document
«
L'art pour l'art.
Le romantisme n'était pas seulement une doctrine littéraire.
Il impliquait une conception de la vie et presque une
philosophie.
L'âme romantique était passionnée, mystique, excessive.
Elle ne s'intéressait au concret que dans la
mesure où il flattait son imagination.
Elle accordait bien plus d'importance à la vérité idéale qu'à la réalité positive.
Pourtant la première réaction en faveur d'une littérature plus proche du réel est née du romantisme lui-même, plus
exactement de l'une de ses branches, celle que nous avons appelée le romantisme artiste.
Les écrivains du « Petit Cénacle », Gautier, Nerval et leurs amis, fidèles à leur culte de la beauté plastique, s'étaient
détachés du courant qui entraînait le romantisme vers la philosophie religieuse ou sociale.
Leur centre de ralliement
fut pendant quelque temps l'atelier de Jean Duseigneur, rue de Vaugirard.
Puis ils trouvèrent agréable de loger à
proximité les uns des autres et c'est ainsi que se constitua rue du Doyenné, dans le charmant quartier du vieux
Louvre, une colonie d'écrivains et d'artistes.
En compagnie de leurs « Cydalises », ils menaient une vie de bohème,
rêvant d'art et de beauté, indifférents à leur époque et dépassés par elle, « aussi libres, aussi solitaires, écrit
Théophile Gautier, que dans une île déserte de l'Océanie ».
En 1836, ils se dispersèrent, non sans regrets.
La tradition qu'ils avaient représentée et qui sommeillait, reprend force vers 185o.
Dégagée de son excès d'idéalisme
et de fantaisie, elle cherche à s'imposer par réaction contre le matérialisme grandissant.
A la formule de l'art pour
l'art, depuis longtemps prônée par Théophile Gautier, se rallient Banville, Baudelaire, Flaubert, Bouilhet, Fromentin.
Bien que ces écrivains ne constituent pas à proprement parler un groupe, on a pu parler à leur sujet d'une école de
l'art pour l'art.
La publication d'Émaux et Camées de THÉOPHILE GAUTIER est saluée comme l'éclatante manifestation
d'une poésie uniquement soucieuse de perfection formelle.
Placé à la direction de la Revue de Paris de 1851 à 1858,
Gautier fait servir cette publication à la propagande en faveur de ses idées littéraires.
Mais l'école de l'art pour l'art
est bientôt supplantée par un mouvement plus important et nettement hostile au romantisme, le Parnasse.
L'art pour l'art
Théorie selon laquelle l'art ne doit viser que la recherche du beau, l'esthétique.
Commentaire
L'un des premiers, Victor Hugo revendiqua pour le poète le droit de produire « un livre inutile de pure poésie jeté au
milieu des préoccupations graves du public » (les Orientales, préface).
Il ne réalisa pourtant pas son projet,
préférant orienter le romantisme vers un engagement politique et social.
Ce fut Théophile Gautier qui développa
cette théorie, dès 1835, dans la préface de Mademoiselle de Maupin.
Devenu directeur de la revue l'Artiste vingt
ans plus tard, il lança un manifeste proclamant « l'autonomie de l'art », le culte de l'esthétique pure, dans lequel se
reconnurent le Parnasse, puis d'autres poètes comme Baudelaire et Mallarmé, pour un temps du moins.
Pour Gautier, l'artiste doit patiemment triompher de son narcissisme trop encouragé par les romantiques, travailler
sur la forme et la force de son poème, plutôt que sur son sens social, politique ou historique.
Le poème devient alors
objet fini, jeu poétique, parfois acrobatique, et le poète, magicien du verbe et de la forme, artisan funambule.
La critique contemporaine, tout en saluant les prouesses techniques des poètes de « l'art pour l'art », a mis en
cause l'idée qu'une expression poétique puisse n'être qu'esthétique, tout choix poétique renvoyant nécessairement
au « moi » du poète.
Citations
L'art pour l'art, et sans but.
Tout but dénature l'art.
(Benjamin Constant, Journal, 11 février 1804.)
Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression
de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature.
—
L'endroit le plus utile d'une maison, ce sont les latrines.
Moi, n'en déplaise à ces messieurs, je suis de ceux pour qui le superflu est le nécessaire, — et j'aime mieux les
choses et les gens en raison inverse des services qu'ils me rendent.
(Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, préface.)
Il ne faut plus dire que l'art pur ne sert à rien : il sert à vivre.
(Georges Duhamel, la Possession du monde.).
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