« Toute l'invention, dit Racine, consiste à faire quelque chose de rien. » Expliquez cette phrase par une étude de son théâtre.
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«
L'INVENTION DANS LE THEATRE DE RACINE '
« Toute l'invention, dit Racine, consiste à faire quelque chose de rien.
» Expliquez cette phrase par une
étude de son théâtre.
Introduction : Par le mot « rien », il faut entendre un sujet réduit à un rien, c'est-à-dire très simple (premier point).
Pour faire preuve d'invention, le poète tragique devra tirer de ce rien quelque chose.
Et comment ? Racine nous le
dit lui-même dans sa première préface de Britannïcus : en inventant une action très simple elle-même et « chargée
de peu de matière », c'est-à-dire de peu d'événements (deuxième point) et qui ne soit « soutenue que par les
intérêts, les sentiments et les passions des personnages » (troisième point).
I.
Racine a d'abord voulu dire que le sujet d'une tragédie devait être très simple :
c'est ainsi que, dans Andromaque, il s'agit de savoir si Andromaque épousera Pyrrhus ou sacrifiera son fils au
souvenir d'Hector ; dans Bérénice, si Titus épousera Bérénice malgré la loi romaine, etc..
II.
Racine a voulu dire ensuite que, de ce sujet très simple, l'auteur devait tirer une action très simple elle-même et
chargée de peu d'événements : c'est ainsi que, dans Andromaque, l'action se réduit en définitive à deux
mouvements d'âme de la part d'Andromaque, l'un qui la pousse à refuser d'abord la main de Pyrrhus, l'autre qui la
pousse à l'accepter ; dans Bérénice, elle consiste en une déclaration de rupture que Titus fait par la bouche
d'Antiochus et en une menace de suicide par laquelle il oblige la reine à céder au destin, etc.
III.
Enfin, Racine a voulu dire que cette action doit être uniquement soutenue (c'est-à-dire rendue captivante pour
le spectateur):
1.
par des intérêts :
a.
de cœur : une mère essaie de sauver son fils (Andromaque) ou sa fille (Clytemnestre dans Iphigénie) ; une
amante cherche à retenir un ingrat qui l'oublie (Hermione) ou qui l'abuse (Roxane dans Bajazet), etc.
;
b.
ou politique : un fils cherche à s'affranchir de sa mère et une mère cherche à le garder sous sa tutelle (Néron et
Agrippine dans Britannicus) ; un ennemi irréconciliable de Rome médite de l'abattre (Mithridate), etc.
;
c.
ou religieux : un grand prêtre veut faire triompher la cause du vrai Dieu, tandis qu'une reine impie prétend en
abolir le culte (Athalie) ;
2 par des sentiments :
a.
sentiments de famille : douleurs d'une veuve et craintes d'une mère (Andromaque) ;
b.
l'amour, lorsqu'il prend la forme .d'un sentiment doux et tendre et qu'il est persécuté (Junie et Britannicus) ou
obligé de se dissimuler (Monime et Xipharès, dans Mithridate), etc.
;
c.
sentiments d'ordre moral, tels que la honte ou le remords nés d'un amour coupable (Phèdre), etc.
3.
par des passions, notamment :
a.
la fureur d'une mère qui défend la vie de sa fille menacée (Clytemnestre) ;
b.
l'amour sous ses formes violentes et lorsqu'il ressemble à la haine (Hermione, Roxane) ;
c.
la jalousie amoureuse (Hermione, Roxane, Phèdre) ;
d.
l'ambition (Agrippine), la haine politique (Mithridate), etc.
Conclusion : Corneille concevait la tragédie comme une action généralement chargée d'incidents extérieurs et
ayant pour objet d'exalter l'énergie d'un héros.
Racine la conçoit comme une action surtout intérieure résultant du
mouvement et du conflit des âmes tourmentées : spectacle qu'il a réussi à rendre au plus haut point tragique et qui,
dans la réalité, l'est en effet autant ou plus que les événements nés de cette tourmente même..
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