Un certain nombre d'oeuvres littéraires ou cinématographiques mettent en scène des personnages marginaux (mauvais garçons, courtisanes, parasites, aussi bien que l'aventurier ou le solitaire par choix). En vous appuyant sur des exemples précis, vous étudierez ce qui fait leur marginalité, et comment à travers eux la société est mise en question.
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«
Un certain nombre d'oeuvres littéraires ou cinématographiques mettent en scène des personnages
marginaux (mauvais garçons, courtisanes, parasites, aussi bien que l'aventurier ou le solitaire par choix).
En vous appuyant sur des exemples précis, vous étudierez ce qui fait leur marginalité, et comment à
travers eux la société est mise en question.
Introduction
« Mais enfin, Socrate, d'où viennent ces calomnies dont tu es l'objet ? Car après tout, si tu ne faisais rien
d'exceptionnel, comment parlerait-on de toi ? et si tu vivais comme tout le monde, d'où te viendrait cette réputation
? », telle est la question que Platon met dans la bouche d'un des accusateurs de Socrate dans son Apologie.
Et
c'est la question que nous sommes tentés de poser à tous ces êtres que nous appelons des « marginaux » parce
qu'ils sont « en marge » de la société, ou de sa morale, ou de son idéologie.
C'est aussi cette image d'un être hors
du commun qui fait que la littérature, la peinture, le cinéma se sont intéressés à eux.
Et de fait, qui sont-ils ?
Comment et dans qu'elle mesure sont-ils facteurs d'inquiétude et de questionnement sur la société ?
I.
De singuliers personnages.
1.
Une marginalité sociale.
a) La première image, on peut même dire le premier « cliché » qui nous vient à l'esprit lorsqu'on évoque la
marginalité, est celui du vagabond, de l'asocial, « sans toit ni loi » comme l'héroïne du film de Maurice Pialat.
Mendiants, cheminots, ils peuplent en effet les oeuvres littéraires — le Juif errant de la légende, les mendiants de V.
Hugo, celui de Madame Bovary,...
— et cinématographiques — l'exemple le plus célèbre étant sans doute celui de
Charlot/Charlie Chaplin.
b) Que le mendiant, ou le pauvre hère se fixe, qu'il « s'accroche » même à un nanti, comme le gui sur l'arbre et nous
avons l'image du parasite (comme on dit justement d'une plante qu'elle est parasite).
Il est présent dans toute une
tradition littéraire qui remonte à la comédie latine : le type du parasite affamé : le Gnathon (le mot signifie
mâchoire) de L'Eunuque de Térence, le « parasite » de Lucien de Samosate sont les anciens modèles.
On en trouve
aussi chez Horace ou Juvénal et plus près de nous chez Rabelais et Boileau.
Ses deux avatars les plus célèbres de la
littérature française sont le Tartuffe de Molière (n'oublions pas qu'Orgon le recueille alors qu'il n'est qu'un « gueux »
mendiant à l'église) et Le Neveu de Rameau «qui, raconte Diderot, s'était introduit je ne sais comment, dans
quelques maisons honnêtes, où il avait son couvert ».
c) S'il s'agit d'une femme, la marginalité aboutit souvent à faire d'elle une prostituée, ou, version plus noble, une
courtisane.
Figure habituelle des comédies latines (l'Asinaria de Plaute, par exemple, ou la courtisane représente
l'enjeu de la pièce), elle réapparaît dans notre littérature au xviir siècle (Manon Lescaut de l'abbé Prévost, La
D'Aisnon dans Jacques le Fataliste de Diderot) et surtout au xix.
siècle où elle connaît une grande fortune : Nana de
Zola, prostituées et demi-mondaines de Maupassant (Boule-de-Suif, La Maison Tellier, Yvette...
la liste serait
longue), « filles » de Baudelaire et de Verlaine, La Dame aux Camélias d'Alexandre Dumas, toutes étalent leurs «
splendeurs et misères » selon l'expression de Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes), toutes exercent un
double et trouble pouvoir d'attirance et de répulsion.
d) Enfin, si le marginal est avant tout tourné vers l'action, si c'est un révolté, s'il a conscience qu'un destin hors
série l'attend, il va devenir un « aventurier », mauvais garçon ou redresseur de torts, ou les deux à la fois.
Figure
floue, ambiguë, qui donnera à la fois les héros des romans picaresques (comme le Gil Blas de Lesage), les héros
vengeurs mis hors-la-loi par l'injustice des hommes (Hernani de V.
Hugo) ou les héros populaires du gentlemancambrioleur (Arsène Lupin de Maurice Leblanc), du protecteur des faibles et du vengeur des opprimés (le célèbre
Zorro, Judex de M.
Franju) ou le « brigand bien-aimé » (Jessie James dont plusieurs westerns ont retracé les
aventures).
2.
Une marginalité morale.
a) Sans être véritablement en marge de la société, on peut refuser de souscrire aux valeurs morales ou esthétiques
sur laquelle elle est fondée : ainsi les romantiques, ceux qu'on appelait les « Jeunes-France » firent figure de
marginaux lorsqu'ils vinrent applaudir les premières représentations d'Hernani en gilet rouge comme Théophile
Gautier, ou échevelés comme ce « romantique de l'atelier de Devéria, fauve comme un cuir de
Cordoue et coiffé d'épais cheveux rouges comme ceux d'un Giorgione » (Th.
Gautier, Victor Hugo).
Ainsi également
les surréalistes s'attaquèrent au patriotisme de leurs contemporains : ou au catholicisme d'un Claudel, le prenant à
parti dans de violents pamphlets « scandaleux » comme cette « lettre ouverte à M.
Paul Claudel, ambassadeur de
France au Japon » : « Catholicisme, classicisme gréco-romain, nous vous abandonnons à vos bondieuseries infâmes.
Qu'elles vous profitent de toutes manières : engraissez encore, crevez sous l'admiration et le respect de vos
concitoyens.
Écrivez, priez et bavez ; nous réclamons le déshonneur de vous avoir traité une fois pour toutes de
cuistre et de canaille.
»
b) Mais on peut aussi être considéré comme marginal parce qu'on refuse de croire à des valeurs qui sont instituées
comme « universelles » : ainsi le Dom Juan de Molière s'oppose à la fois à la fidélité à la foi jurée et à la religion ;.
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