Un grand nombre d'oeuvres romanesques et théâtrales prennent pour sujet l'amour malheureux, l'échec sous des formes diverses, la mort, et quelquefois des calamités telles que la peste ou la guerre. Quel intérêt et quel plaisir vous prenez à l'évocation de sujets qui, dans le monde réel, vous paraissent pénibles ?
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Introduction
Écrire relève-t-il d'un fondamental pessimisme? On peut se poser la question quand l'on considère le nombre
d'œuvres romanesques et théâtrales prenant pour sujet l'amour malheureux, l'échec, la mort et quelquefois des
calamités telles que la peste ou la
guerre.
On peut également se demander pourquoi ces thèmes « négatifs » attirent et séduisent les lecteurs.
Si l'on admet
que le plaisir de voir souffrir autrui ne concerne que peu d'entre eux, on devra chercher d'autres raisons.
Or, l'on remarque que bien souvent, dans les œuvres évoquées, le malheur, l'échec ou la mort sont autant
d'expériences à travers lesquelles des héros se révèlent, s'élèvent et forcent notre admiration.
Nous serons donc conduits à nous interroger sur la valeur et les effets d'une littérature romanesque et théâtrale qui
voit la condition humaine sous l'angle de la tragédie.
La tragédie (dans le roman ou au théâtre) est une
dramatisation de la violence mais elle peut être aussi l'occasion d'une réflexion critique.
Elle conduit parfois à
remettre en cause et à modifier le sens que nous donnons à la souffrance, à l'échec et à la mort et transforme ainsi
le négatif en positif.
I.
Le tragique : une écriture de l'intense
1.
Le pathétique de la souffrance
• Si on lit ou si on va voir au théâtre des œuvres représentant le tragique de la condition humaine, c'est d'abord
parce qu'elles procurent une vive émotion.
C'est ce qu'on peut appeler le pathétique de la souffrance.
Ex.
: la mort du héros dans la Condition humaine de Malraux.
• C'est précisément le but que fixaient les tragédiens classiques à leur œuvre : le spectacle tragique devait inspirer
un double sentiment de terreur et de pitié.
Terreur de voir les hommes soumis aux Dieux et subissant leur violence.
Pitié de voir les tentatives des hommes pour lutter contre la fatalité aboutir à un échec.
Ex, : dans Phèdre de Racine, le récit de Théramène, qui raconte la mort du héros Hippolyte tué par un monstre sorti
des flots, doit inspirer la terreur.
La lutte désespérée de Phèdre pour échapper à sa passion doit plutôt inspirer la
pitié.
• Le pathétique de la souffrance ou de l'échec peut susciter d'autres sentiments comme la sympathie, le lecteur se
sentant solidaire du destin malheureux des personnages.
Ex.
: le personnage du docteur Rieux dans le roman de Camus, La peste, appelle la sympathie du lecteur.
Cet
homme frappé par le destin et qui lutte devient un symbole d'espérance.
• Les sentiments éprouvés par le lecteur pour le personnage de
l'échec sont parfois complexes, mêlés.
Ex.
: pour le personnage de Flaubert, Emma Bovary (Madame Bovary), le lecteur peut ressentir un mélange de
compassion (pour son amour malheureux, son échec, sa fin tragique) et de dérision (pour la médiocrité de son
existence et de ses rêves).
2.
La grandeur de l'héroïsme et des passions
• Ce qui étonne et force l'admiration dans bien des œuvres représentant l'humanité en proie au malheur, c'est
l'énergie du désespoir de ceux qui luttent avec héroïsme pour y échapper.
Ex.
: le combat héroïque de Jean Valjean (les Misérables) contre les rigueurs d'une destinée contraire appelle le
respect.
• La passion elle-même, dans l'intensité sublime vers laquelle elle tend dans la tragédie, grandit les héros qui la
vivent et leur donne à nos yeux une dimension surhumaine.
Ex.
: le personnage de Phèdre chez Racine ou celui de Suréna chez Corneille.
• La souffrance dans ce cas ennoblit et, lorsque le héros affronte la mort, l'émotion et l'admiration sont à leur
comble.
Ex.
: la mort du père Goriot (Balzac) atteint le sublime parce que les sentiments (l'amour malheureux du père Goriot
pour ses filles) prennent une dimension universelle et une puissance communicative (l'indignation du lecteur rejoint la
révolte du seul témoin de cette mort : Rastignac.
3.
La lucidité dans l'échec
• Les personnages malheureux nous émeuvent mais ils nous intéressent aussi par la lucidité dont ils font souvent
preuve dans l'adversité.
Ex.
: c'est le cas de Julien Sorel dans le Rouge et le Noir de Stendhal.
Son échec, son emprisonnement, sa
condamnation à mort sont l'occasion pour lui d'une prise de conscience.
• Lorsque les personnages qui vivent un amour malheureux analysent leur passion, ils nous offrent un exemple
d'intelligence courageuse.
Ex.
: le personnage du narrateur dans Sylvie de Gérard de Nerval tire toute sa force de la lucidité à laquelle il
s'applique dans la prise de conscience de son échec amoureux.
• Même lorsque le personnage n'est pas lucide, il peut nous émouvoir et nous inviter à la réflexion.
Ex.
: c'est le cas d'Emma Bovary (Flaubert) ; victime de ses illusions, elle nous conduit à méditer sur le pouvoir
destructeur des rêves..
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