« Un personnage n'est jamais qu'un morceau intime de nous-même, et toute oeuvre, quelle qu'elle soit, est une confession qui subit une métamorphose ». Pierre Jean Jouve, Commentaires, Mercure de France, 1950.
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Dans ce propos, Pierre Jean Jouve énonce un propos général sur la création artistique : d'après lui, toute production littéraire n'est que la métamorphose, c'est-à-dire la modification de la forme, d'une expérience intime. C'est ainsi qu'un personnage, par exemple, est un « morceau de l'individu », c'est-à-dire une objectivation d'une part de l'intériorité de celui qui écrit : nous pouvons rappeler a ce propos le mot fameux de Flaubert « Madame Bovary, c'est moi » qui met en évidence que la créature de l'artiste entretient une relation spéculaire avec sa propre intériorité, de sorte que nous pouvons dire que la créature est en quelque sorte le reflet et l'expression de son créateur. En ce sens, toute production littéraire, considérée à grande ou petite échelle (celle de l'oeuvre dans son ensemble, ou de ses composantes, telles que les personnages mis en scène par l'oeuvre en question) est toujours « quelle qu'elle soit », construite a partir d'un matériau intime, qui subit un travestissement suffisant pour brouiller les pistes, peut-être, mais qui n'empêche pas au demeurant que cette oeuvre soit l'expression masquée d'une vérité intime concernant le sujet écrivant.
Cependant, ne pouvons-nous pas opposer à la thèse de Pierre Jean Jouve, aussi forte et puissamment vraie qu'elle puisse nous apparaitre dans l'ensemble, que son propos est peut-être trop généralisant et qu'il est faux d'affirmer que toute oeuvre, en général et sans distinction aucune, est cette « confession qui subit une métamorphose dont il parle ». Nous pouvons penser en effet que certaines oeuvres littéraires ne sont pas enracinées dans le terreau intime dont parle Pierre Jean Jouve, de sorte que la littérature n'est pas réduite a l'expression masquée de l'intériorité d'un individu, au travestissement plus ou moins complet de ce qu'il est, et peut au contraire se tourner vers l'expression d'une idée qui transcende toute dimension intime du sujet écrivant.
Mais nous verrons dans un dernier temps que toute production littéraire, si elle ne peut être qualifiée de « confession intime » comme le fait Pierre Jean Jouve qu'au prix d'une exagération, ne laisse pas moins de produire un discours implicite sur l'auteur lui-même : nous proposerons donc de lire les oeuvres littéraires en général, non comme une « confession qui subit une métamorphose » mais comme le théâtre d'un double discours ou, implicitement, l'auteur a beau nous parler de quelque chose d'extérieur a lui-même et a son expérience intime d'individu empirique, il n'en laisse pas moins de nous parler implicitement de ce qu'il est.
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