« Un suffisant lecteur descouvre souvant ès escrits d'autruy des perfections autres que celles que l'autheur y a mises et apperceües, et y preste des sens et des visages plus riches. » (Montaigne, Essais, Livre I Chapitre XXIV)
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as évident pour l'écrivain, en tant qu'artiste, de porter un jugement objectif sur son ouvrage. C'et avec le recul que l'on peut qualifier une écriture, nommer un genre. Un orateur même consciencieux ne décèlera pas aisément les caractéristiques de son discours, ou encore ce que l'on nommerait aujourd'hui les « tics » du langage. Aussi appartient-il au lecteur de découvrir l'idiolecte de l'auteur, de noter ses habitudes, ses thèmes de prédilection, ses difficultés. L'artiste semble avoir beaucoup à apprendre de lui-même par l'œil critique de ses amateurs, et c'est le critique qui joue le rôle de l'hyper-lecteur. Aussi, un « suffisant lecteur » remarquera aisément les particularités de la « vision balzacienne ». Qu'il s'agisse de la description de Vautrin dans Le Père Goriot, ou de celle des personnages de la maison de jeu visitée par Raphaël de Valentin dans La Peau de chagrin, le lecteur est confronté à une présentation minutieuse et typisée. S'inspirant dans le premier cas de la personne de Vidocq, et d'images fortes dans le second comme les décapitations publiques et le mythe de Tantale, entre autres, il semble peindre chaque fois un tableau précis, à la grande puissance évocatrice, et dont les personnages sont représentatifs de toute l'humanité : caractéristique balzacienne.
Liens utiles
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- Montaigne (1533-1592), Essais, livre I, chapitre 28, « De l'amitié ».
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