Victor HUGO, Les Misérables, I, VII, 3.
Extrait du document
«
Victor HUGO, Les Misérables, I, VII, 3.
Il reculait maintenant avec une égale épouvante devant les deux résolutions qu'il avait prises tour à tour.
Les
deux idées qui le conseillaient lui paraissaient aussi funestes l'une que l'autre.
- Quelle fatalité ! quelle rencontre que
ce Champmathieu pris pour lui ! Être précipité justement par le moyen que la providence paraissait d'abord avoir
employé pour l'affermir ! Il y eut un moment où il considéra l'avenir.
Se dénoncer, grand Dieu ! se livrer ! Il envisagea
avec un immense désespoir tout ce qu'il faudrait quitter, tout ce qu'il faudrait reprendre.
Il faudrait donc dire adieu à
cette existence si bonne, si pure, si radieuse, à ce respect de tous, à l'honneur, à la liberté ! Il n'irait plus se promener
dans les champs, il n'entendrait plus chanter les oiseaux au mois de mai, il ne ferait plus l'aumône aux petits enfants !
Il ne sentirait plus la douceur des regards de reconnaissance et d'amour fixés sur lui ! Il quitterait cette maison qu'il
avait bâtie, cette chambre, cette petite chambre ! Tout lui paraissait charmant à cette petite table de bois blanc ! Sa
vieille portière, la seule servante qu'il eût, ne lui monterait plus son café le matin.
Grand Dieu ! au lieu de tout cela, la
chiourme, le carcan, la veste rouge, la chaîne au pied, la fatigue, le cachot, le lit de camp, toutes ces horreurs
connues ! A son âge, après avoir été ce qu'il était! Si encore il était jeune! Mais, vieux, être tutoyé par le premier
venu, être fouillé par le garde-chiourme, recevoir le coup de bâton de l'argousin ! avoir les pieds nus dans des souliers
ferrés ! tendre matin et soir sa jambe au marteau du rondier qui visite la manille! subir la curiosité des étrangers
auxquels on dirait : Celui-là, c'est le fameux Jean Valjean, qui a été maire à Montreuil-sur-Mer ! Le soir, ruisselant de
sueur, accablé de lassitude, le bonnet vertsur les yeux, remonter deux à deux, sous le fouet du sergent, l'escalieréchelle du bagne flottant! Oh ! quelle misère ! La destinée peut-elle donc être méchante comme un être intelligent et
devenir monstrueuse comme le cœur humain ! Et, quoi qu'il fît, il retombait toujours sur ce poignant dilemme qui était
au fond de sa rêverie : - rester dans le paradis, et y devenir démon ! rentrer dans l'enfer, et y devenir ange !
******
Victor-Marie Hugo : écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé, né le 26
février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris.
Il est l’un des plus grands écrivains français et repose au
Panthéon depuis le lundi 1er juin 1885.
Son œuvre est très diverse : romans, poésie lyrique, drames en vers et en prose, discours politiques à la Chambre des
Pairs, correspondance abondante.
Les Misérables : roman paru en 1862 qui est l’un des plus populaires de la littérature française.
Victor Hugo y décrit la
vie de misérables dans le Paris du XIXe siècle et s'attache plus particulièrement aux pas du bagnard Jean Valjean.
Mais
on y rencontre aussi des personnages marquants, tels Cosette, Fantine, Gavroche, les Thénardier ou Javert.
Lettre du 23 mars 1862 de Victor Hugo à son éditeur Lacroix au sujet des Misérables : « Ma conviction est que ce livre
sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon œuvre ».
Extrait :
L'ancien bagnard Jean Valjean est devenu l'honorable M.
Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer.
Mais il apprend un jour
qu'un certain Champmathieu, qu'on a pris pour lui, va comparaître aux Assises.
=> Étude du dilemme qui secoue le personnage.
I- Un terrible dilemme
A- Une situation pathétique
• Choix du personnage : se dénoncer ou pas.
• Pathétique de sa situation.
Ex : « une égale épouvante devant les deux résolutions » > terme très fort « épouvante » qui souligne la peur,
l’angoisse terrible.
Choix qui s’annonce de toute façon terrible…
Cf.
« aussi funestes l'une que l'autre ».
• Situation très douloureuse pour Valjean.
Ex : « un immense désespoir » > pathétique…
• Montrez que ce souvenir de Champmathieu et ce dilemme troublent beaucoup le personnage.
Cela est visible grâce au discours indirect libre.
Ex : « Se dénoncer, grand Dieu ! se livrer ! ».
Ex : « Il faudrait donc dire adieu à cette existence si bonne, si pure, si radieuse, à ce respect de tous, à l'honneur, à
la liberté ! ».
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