Voltaire a écrit : « Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié. » Comment comprenez-vous cette formule ?
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II. LES DANGERS D'UNE TELLE CONCEPTION DU LIVRE
Une telle conception du rôle du livre n'est cependant pas sans dangers. Elle
transforme d'abord le lecteur en un être essentiellement passif chez lequel se
développeront bientôt des tendances à la paresse intellectuelle et morale. Une
abdication aussi entière de la conscience entraîne une véritable atrophie de la
volonté. Ne voit-on pas souvent de nos jours beaucoup de gens délaisser
totalement la lecture, devenue pour eux trop pénible même dans ses formes les
plus simples, au profit du cinéma et de la télévision, autres sources de détente
qui peuvent ne demander aucun effort de participation ? Certains se contentent
d'avoir vu les « adaptations » de certaines grandes oeuvres. Des éditions
simplifiées, raccourcies, les « digests », connaissent auprès du public un
immense succès.
Aux progrès de cette paresse
intellectuelle s'associent nécessairement ceux de l'esprit d'autorité. On se
réfère volontiers à la morale des « best-sellers », on calque ses attitudes,
voire sa psychologie sur celle d'un James Bond, tout comme les précepteurs
sophistes de Rabelais s'efforçaient de ressembler à la fausse image qu'on leur
avait transmise d'Aristote, tout comme le pharmacien Homais de Madame Bovary
formulait des sentences par une imitation maladroite de la philosophie
voltairienne.
Cette « aliénation » morale
dont nous parlions plus haut n'engage-t-elle pas par ailleurs de façon abusive
la responsabilité de l'écrivain ?
Liens utiles
- Dans la préface de son Dictionnaire philosophique Voltaire écrit : les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié; ils entendent les pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux, et fortifient par leurs réflexions ce qui leur parait faible. Que pensez-vous de cette affirmation ?
- L'écrivain Tchèque Franz Kafka écrit à un ami en 1904 qu'on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon lire ? Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. Discutez cette réflexion de Kafka en la limitant au genre romanesque. Votre travail s'appuiera sur les textes étudiés en classe et sur vous lectures personnelles.
- Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel M. Pascal écrivit ces Pensées était de montrer l'homme sous un jour odieux. Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il écrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites. Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes. Il dit éloquemment des injures au genre humain. » Expliquer et discuter ce jugement.
- Beaucoup de lecteurs pensent que le compte rendu d'une oeuvre par un critique suffit à en donner la connaissance. Or, Alain a écrit, dans ses Propos sur l'esthétique, en 1949 : «Ce que dit l'oeuvre, nul résumé, nulle imitation, nulle amplification ne peut le dire... » Vous examinerez ces deux points de vue opposés, en appuyant votre réflexion sur des exemples précis, empruntés à votre expérience personnelle et à vos lectures.
- VOLTAIRE, parlant des grands écrivains du siècle de Louis XIV, écrit : La route était difficile au commencement du siècle parce que personne n'y avait marché : elle l'est aujourd'hui parce qu'elle a été battue. Les grands hommes du siècle passé ont enseigné à penser et à parler : ils ont dit ce qu'on ne savait pas. Ceux qui leur succèdent ne peuvent guère dire que ce qu'on sait. Dans quelle mesure, à votre avis, l'oeuvre même de VOLTAIRE justifie-t-elle cette constatation pessimiste ?