Voltaire, l'Ingénu, chapitre 20 - La lettre de Vadbled
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Voltaire, l'Ingénu, chapitre 20 - La lettre de Vadbled
Au milieu de tant de larmes et de craintes, pendant que le danger de cette fille si chère remplissait tous les cœurs, que tout était consterné, on annonce un courrier de la cour. Un courrier! et de qui? et pourquoi? C'était de la part du confesseur du roi pour le prieur de la Montagne; ce n'était pas le père de La Chaise qui écrivait, c'était le frère Vadbled, son valet de chambre, homme très important dans ce temps-là, lui qui mandait aux archevêques les volontés du révérend père, lui qui donnait audience, lui qui promettait des bénéfices, lui qui faisait quelquefois expédier des lettres de cachet. Il écrivait à l'abbé de la Montagne que "Sa Révérence était informée des aventures de son neveu, que sa prison n'était qu'une méprise que ces petites disgrâces arrivaient fréquemment, qu'il ne fallait pas y faire attention, et qu'enfin il convenait que lui prieur vînt lui présenter son neveu le lendemain, qu'il devait amener avec lui le bonhomme Gordon, que lui frère Vadbled les introduirait chez Sa Révérence et chez mons de Louvois, lequel leur dirait un mot dans son antichambre."
Il ajoutait que l'histoire de l'Ingénu et son combat contre les Anglais avaient été contés au roi, que sûrement le roi daignerait le remarquer quand il passerait dans la galerie, et peut-être même lui ferait un signe de tête. La lettre finissait par l'espérance dont on le flattait, que toutes les dames de la cour s'empresseraient de faire venir son neveu à leur toilette, que plusieurs d'entre elles lui diraient: "Bonjour, monsieur l'Ingénu"; et qu'assurément il serait question de lui au souper du roi. La lettre était signée: "Votre affectionné Vadbled, frère jésuite."
Le prieur ayant lu la lettre tout haut, son neveu furieux, et commandant un moment à sa colère, ne dit rien au porteur; mais se tournant vers le compagnon de ses infortunes, il lui demanda ce qu'il pensait de ce style. Gordon lui répondit: "C'est donc ainsi qu'on traite les hommes comme des singes! On les bat et on les fait danser.
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