Vous commenterez ce jugement d'un critique contemporain sur Pascal : « Ce puissant génie nous confond par la diversité de ses dons. Comme savant il est l'égal des plus illustres. Ses pensées nous le révèlent comme un grand moraliste. Son style est celui d'un homme de science et d'un poète. » ?
Extrait du document
«
PLAN DÉTAILLÉ
Ce qui frappe dès l'abord chez Pascal, c'est la diversité de ses dons.
Homme de science, il a ouvert, par ses découvertes
dans le domaine des mathématiques et de la physique, des voies nouvelles et fécondes.
Moraliste profond et nuancé, il
s'attache à analyser les faiblesses de la nature humaine.
Écrivain, il unit dans son style, à la précision du savant, la
sensibilité et l'imagination d'un poète.
I.
Le savant
La formation de Pascal et ses aptitudes l'orientèrent d'abord vers les sciences.
Son père, qui se chargea de son éducation,
s'attacha à développer chez lui, dès son jeune âge, le raisonnement et l'esprit d'observation.
Mathématicien et physicien
du plus grand mérite, il fréquentait des savants comme le père Mersenne, Desargues et Roberval, et de bonne heure il
admit son fils aux doctes entretiens qu'il tenait avec ses amis.
Dans un milieu aussi favorable, les brillantes dispositions de
l'enfant, qui, si l'on en croit sa soeur Gilberte, avait reconstitué à l'âge de douze ans les trente-deux premières
propositions de la géométrie euclidienne, ne tardèrent pas à s'épanouir.
A seize ans il écrivit un traité des coniques qui a
provoqué l'admiration de Leibniz.
A dix-neuf il imagine la première machine à calculer.
A vingt-cinq ans il renouvelle la
célèbre expérience de Toricelli sur la pesanteur de l'air : par la manière dont il conduit et interprète ses recherches il
s'affirme comme le fondateur de la méthode expérimentale ; par les conclusions qu'il en tire et notamment par son traité
sur L'Équilibre des liqueurs il donne naissance à la science hydrostatique.
Plus tard, il jettera, dans sa correspondance
avec Fermât, les bases du calcul des probabilités et ses travaux sur la roulette formulent le principe de l'analyse
infinitésimale.
II.
Le moraliste
Ce grand savant fut aussi un grand moraliste.
Après avoir illustré, par le magnifique exemple de ses découvertes, les
ressources de l'intelligence humaine, il s'est appliqué à en dénoncer les inconséquences et les faiblesses.
Il nous montre
comment notre raison est le jouet de puissances trompeuses : l'amour-propre nous fait méconnaître la vérité quand elle
se révèle contraire à nos intérêts et à nos désirs et nous fait aimer ceux qui nous flattent même quand nous savons
pertinemment qu'ils nous mentent; l'imagination exerce son pouvoir sur les plus sages et fait que nous nous laissons
abuser par des apparences.
En face d'un prédicateur à la voix enrouée, au « tour de visage bizarre », le magistrat le plus
grave est incapable d'écouter avec sérieux le sermon le plus édifiant.
Les passions, les maladies contribuent encore à
gâter notre jugement.
Et quant aux principes qui régissent nos sociétés, Pascal y voit une preuve de plus de l'infirmité de
l'homme.
Qu'est-ce que cette justice qui varie d'un pays à l'autre? «Plaisante justice qu'une rivière borne; vérité en deçà
des Pyrénées, erreur au-delà.
» Les lois, les coutumes, les moeurs sont différentes selon les lieux et les époques.
Dans
l'ordre moral comme dans l'ordre intellectuel se confirme l'impuissance de la raison.
III.
L'écrivain
Enfin, ce moraliste est un de nos plus grands écrivains.
A la précision du savant il joint l'imagination et la sensibilité d'un
poète.
Cette précision inspire le choix des mots qui n'ont d'autre mission que de rendre le plus fidèlement possible toutes
les nuances de la pensée derrière laquelle ils s'effacent.
Les variantes de Pascal sont significatives à cet égard.
Dans le
célèbre passage sur les deux infinis il avait d'abord écrit : « Que l'homme considère...
la nature entière dans sa haute et
pleine majesté.
» Puis il remplace « considère » par « contemple ».
On voit sur-le-champ ce que le texte gagne à cette
retouche : le second terme ajoute à la simple notion d'un examen attentif mais sentimentalement détaché, celle, plus
naturelle en présence d'un pareil spectacle, d'une émotion admirative.
De même la place des mots s'inspire exactement de
l'importance qui doit revenir à chacun d'eux dans l'expression de la pensée.
Ainsi en est-il de la célèbre formule : « Le nez
de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
» En tête se trouve mis en valeur le détail à la
fois inattendu et essentiel sur lequel aurait pu se jouer le destin du monde.
ANECDOTE: Si le nez de Cléopâtre avait été plus court, écrit Pascal, toute la face de la Terre aurait changé.
Que voulait-il
dire par là ? Si Marc-Antoine, amoureux de la reine d'Égypte, avait préparé son combat contre Octave au lieu de compter
fleurette à la belle, il serait devenu empereur à la place de son rival.
En changeant de chef, Rome aurait changé le monde.
Ainsi, l'histoire tient-elle à des riens, à des hasards insignifiants que Pascal s'empresse de rallier afin de faire une apologie
du Dieu du christianisme.
Poète, il a le don de l'imagination concrète : parfois il ne craint pas de semer son argumentation de termes familiers, s'ils
ont le mérite du pittoresque.
Ainsi il n'hésite pas à faire figurer dans une grave maxime des termes comme « choux » et
«poireaux».
Souvent ses images s'élargissent en visions, la simple opposition de deux mots suffit à suggérer des abîmes :
« Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ? » En une formule saisissante il évoque le redoutable mystère de cette immensité
du temps et de l'espace où nous sommes plongés : « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.
» Il sait trouver
dans la sonorité des mots et le martèlement du rythme la note âpre et tragique : « On jette enfin de la terre sur la tête et
en voilà pour jamais.
» Du poète il possède aussi la sensibilité.
L'inspiration lyrique domine dans les Pensées : à chaque
page l'écrivain, rempli de son sujet, nous communique tous les frissons de son âme.
Les interrogations pressantes et
véhémentes succèdent aux apostrophes, et parfois il se met lui-même en scène pour donner plus de chaleur de conviction
à ce qu'il affirme : « Je vous dis que vous y gagnerez.
» Souvent enfin ce croyant, dans l'évocation des vérités éternelles,
atteint à une sérénité plus qu'humaine et sa démonstration s'élargit en une méditation : « Je ne sais qui m'a mis au
monde, ni ce que c'est que le monde, ni que moi-même...
Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir.
».
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Vous commenterez cette formule d'Albert Camus : « Le plus grand style en art est l'expression de la plus haute révolte. Comme le vrai classicisme n'est qu'un romantisme dompté, le génie est une révolte qui a créé sa propre mesure. » (L'Homme révolté, page 355.)
- Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel M. Pascal écrivit ces Pensées était de montrer l'homme sous un jour odieux. Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il écrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites. Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes. Il dit éloquemment des injures au genre humain. » Expliquer et discuter ce jugement.
- Un critique écrit : « Ne confondons pas versification et poésie. Le versificateur n'est qu'un technicien ; la qualité d'un poète au contraire réside dans la puissance de suggestion qu'il emprunte aux sonorités, aux rythmes, aux images en accord étroit avec le sentiment. » En illustrant votre exposé d'exemples précis, vous commenterez ce jugement. ?
- Renan a dit, dans son Discours de réception à l'Académie française : « Le génie de Victor Hugo a sonné chaque heure de notre siècle, donné un corps à chacun de nos rêves, des ailes à chacune de nos pensées.» En vous appuyant sur les pages du grand poète que vous connaissez le mieux, vous essaierez de démontrer la justesse de cette phrase.
- Dans son livre Au coeur du fantastique, publié en 1965, Roger Caillois, réfléchissant sur le fantastique au sens large (histoires extraordinaires, contes féeriques, récits de science-fiction, etc.), pense que ce dernier exprime « la tension entre ce que l'homme peut et ce qu'il souhaiterait pouvoir ». Vous commenterez ce jugement en vous appuyant sur des exemples empruntés à votre culture personnelle - littéraire, cinématographique.