Vous commenterez, en vous appuyant sur des exemples précis, cette opinion de Fénelon : « La poésie est plus sérieuse et plus utile que le vulgaire ne le croit ».
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«
Introduction
De tout temps, la poésie et les poètes ont rencontré méfiance ou incompréhension.
Platon voulait les bannir de la
cité, Vigny nous montre dans Chatterton le sort impitoyable qui leur est réservé par une société matérialiste, et
Baudelaire dans l'Albatros, leur incapacité à se faire comprendre des autres hommes.
Fénelon, lui, s'opposant à
l'opinion du commun des mortels, se fait le défenseur de la poésie : « Elle est plus sérieuse et plus utile que le
vulgaire ne le croit, » affirme-t-il.
Cette formule simple nous invite à nous pencher sur deux questions souvent
soulevées à propos de la poésie (comme de l'art en général).
Est-elle une activité digne d'intérêt ? Est-elle
purement gratuite ou trouve-t-elle sa justification dans une utilité immédiate au service d'une cause ou d'une
intention quelconque ? Nous répondrons d'abord au grief de futilité formulé par ceux qui ont tendance à considérer
l'activité poétique comme absurdité ou pure virtuosité verbale (pourquoi écrire en vers puisque la prose existe ? ou
dans une forme si peu claire qu'elle est difficile à comprendre ?) ou comme un luxe d'oisifs, d'esthètes, de doux
rêveurs, cigales ou pierrots, évoluant en dehors de la vie.
Pour les artistes et les amateurs de poésie convaincus de
son sérieux, le problème se pose à un tout autre niveau, celui de son utilité.
Nous verrons que dans ce débat, des
réponses diverses peuvent être apportées.
I.
La poésie, activité sérieuse
Des stéréotypes péjoratifs présentent le poète soit comme un rêveur, un fou qui plane dans les nuées, soit comme
un rimailleur qui jongle avec les mots comme avec des cubes.
Les variations mineures des Précieux, les exercices
parfois laborieux des poètes de cour, les vers de mirliton des Vadius et Trissotin ridiculisés par Molière peuvent
encourir le deuxième reproche mais peut-on vraiment parler de poésie à leur sujet ? Une double tradition reconnaît
au contraire à la création poétique une valeur éminente, qu'elle soit le fruit d'une inspiration hors du commun ou le
résultat d'un labeur acharné.
1.
La poésie, « don des dieux »
Cette conception se retrouve à toutes les époques.
Les Muses ou la Muse en sont la figure allégorique, même
lorsque l'origine divine du don n'est pas retenue.
• Dans l'antiquité grecque, le poète inspiré est celui que vient visiter la présence divine, il a « l'enthousiasme »,
c'est-à-dire le Dieu en lui qui parle par sa voix.
Cf.
Platon : « Ce n'est pas par un effet de l'art, mais bien parce
qu'un Dieu est en eux et qu'il les possède que tous les poètes épiques, les bons s'entend, composent tous ces
beaux poèmes, et pareillement pour les auteurs de chants lyriques...
Le poète est chose légère, chose ailée, chose
sainte, et il n'est pas encore capable de créer jusqu'à ce qu'il soit devenu l'homme qu'habite un Dieu.
»
Cette conception élitiste se retrouvera plus tard, le poète étant considéré comme un être d'exception voué au
sacerdoce poétique même si les dieux n'interviennent pas directement.
• La Pléiade appelle « fureur sacrée » l'enthousiasme des Anciens.
L'inspiration est pour Du Bellay une « honnête
flamme au peuple peu commune », elle n'est accordée aux « hommes d'ici-bas » selon Ronsard que
« Quand ils ont de l'humain les âmes séparées
Et qu'à telle fureur elles sont préparées
Par oraison, par jeûne et pénitence aussi.
»
• Les romantiques.
L'inspiration, pour eux, n'est pas d'origine divine mais trouve sa source dans la sensibilité
particulièrement aiguë du poète, réceptif à toutes les émotions, et qui communique par l'effusion lyrique toutes les
vibrations de son coeur et de son âme ; cf.
Musset : « Ah ! frappe-toi le coeur, c'est là qu'est le génie ! » ; « Le
cœur seul est poète ».
On peut se demander toutefois si le poète a quelque responsabilité dans l'entreprise puisqu'une telle conception fait
de lui un porte-parole, élu certes, mais simple truchement.
En fait si l'inspiration trouve forme, c'est que le poète est
aussi un artisan du vers, un assembleur de mots.
2.
La poésie, fille du travail
Pour les Grecs, le poète, « poiètès », c'est celui qui fait, qui fabrique, et l'étymologie sera reprise par Diderot, Th.
Gautier (« faiseur »), et Valéry (« fabricateur »).
Son activité est un labeur minutieux et patient, souvent
douloureux, qui montre à quel point il mérite le qualificatif de sérieux.
Du Bellay lui-même, qui invoque la fureur
sacrée, ne minimise pas le rôle du travail : « Qui veut voler par les mains et bouches des hommes doit longuement
demeurer en sa chambre; et qui désire vivre en la mémoire de la postérité doit, comme mort en soi-même, suer et
trembler maintes fois, et autant que nos poètes courtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, endurer de
faim, de soif et de longues vigiles.
» Baudelaire rappelle dans ses Conseils aux jeunes littérateurs que « l'inspiration
est décidément la soeur du travail journalier » et Valéry affirme : « Il faut beaucoup de patience, d'obstination et
d'industrie dans notre art si nous voulons produire un ouvrage qui ne paraisse enfin qu'une série de coups rien
qu'heureux, heureusement enchaînés ».
L'existence même des poètes qui ont consacré leur vie à leur art (Baudelaire, Verlaine par exemple) au prix souvent
de grandes souffrances, en est encore une preuve.
II.
La poésie directement utile
Reposant sur une utilisation particulière du langage, c'est un moyen de communication privilégié grâce à la charge
sémantique et affective des termes employés, mais surtout grâce à la texture de la parole poétique..
»
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