William CHAPMAN (1850-1917) - L'Aurore boréale
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William CHAPMAN (1850-1917) - L'Aurore boréale La nuit d'hiver étend son aile diaphane Sur l'immobilité morne de la savane Qui regarde monter, dans le recueillement, La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement. L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde Brille à travers les fûts de la forêt profonde. La rafale se tait, et les sapins glacés, Comme des spectres blancs, penchent leurs fronts lassés Sous le poids de la neige étincelant dans l'ombre. La savane s'endort dans sa majesté sombre, Pleine du saint émoi qui vient du firmament. Dans l'espace nul bruit ne trouble, un seul moment, Le transparent sommeil des gigantesques arbres Dont les troncs sous le givre ont la pâleur des marbres. Seul, le craquement sourd d'un bouleau qui se fend Sous l'invincible effort du grand froid triomphant Rompt d'instant en instant le solennel silence Du désert qui poursuit sa rêverie immense. Tout à coup, vers le nord, du vaste horizon pur Une rose lueur émerge dans l'azur, Et, fluide clavier dont les étranges touches Battent de l'aile ainsi que des oiseaux farouches, Eparpillant partout des diamants dans l'air, Elle envahit le vague océan de l'éther. Aussitôt ce clavier, zébré d'or et d'agate, Se change en un rideau dont la blancheur éclate, Dont les replis moelleux, aussi prompts que l'éclair, Ondulent follement sur le firmament clair. Quel est ce voile étrange, ou plutôt ce prodige ? C'est le panorama que l'esprit du vertige Déroule à l'infini de la mer et des cieux. Sous le souffle effréné d'un vent mystérieux, Dans un écroulement d'ombres et de lumières, Le voile se déchire, et de larges rivières De perles et d'onyx roulent dans le ciel bleu, Et leurs flots, tout hachés de volutes de feu, S'écrasent et, trouant les archipels d'opale, Déferlent par-dessus une montagne pâle De nuages pareils à des vaisseaux ancrés Dans les immensités des golfes éthérés, Et puis, rejaillissant sur des vapeurs compactes, Inondent l'horizon de roses cataractes. Le voile en un clin d'oeil se reforme plus beau, Lové comme un serpent, flottant comme un drapeau. Plus rapide cent fois qu'un jet pyrotechnique, Il fait en pétillant un sabbat fantastique, Et met en mouvement des milliers de soleils A travers des brouillards transparents et vermeils Comme cristallisés dans la plaine éthérée. Quelquefois on dirait une écharpe nacrée Qu'un groupe de houris secouerait en volant Dans l'incommensurable espace étincelant ; Tantôt on le prendrait pour le réseau de toiles Que Prométhée étend pour saisir les étoiles, Ou pour le tablier sans bornes dans lequel Les anges vanneraient des roses sur le ciel. Et la forêt regarde, enivrée, éblouie. Se dérouler au loin cette scène inouïe ; Et l'orignal, le mufle en avant, tout tremblant, Les quatre pieds cloués sur un mamelon blanc, L'oeil grand ouvert, au bord de la savane claire, Fixe depuis longtemps l'auréole polaire Poudroyant de ses feux le céleste plafond, Et son extase fauve en deux larmes se fond.
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