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William Shakespeare

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Étonné de ce que le génie du poète ait été si peu compris par sa propre génération et les suivantes, Matthew Arnold a écrit, dans son sonnet fameux : "Tu as passé sur cette terre sans qu'elle te reconnaisse." On peut en dire autant de l'homme Shakespeare. Il est encore de nos jours la cible de discussions sans fin malgré les imposants volumes qui nous offrent l'histoire de sa vie et qui sont faits surtout de considérations accessoires et de conjectures. Nous ne possédons pas une seule ligne tracée de sa main, à l'exception de trois pages douteuses d'une révision de la pièce Sir Thomas More ; pas plus de six signatures légales, quelques-unes passablement abrégées, dont trois posées au bas de son testament, document d'une décevante impersonnalité. Quelques témoignages fortuits mis à part, il ne nous reste aucun récit contemporain de sa vie, et la seule missive connue qui lui fût adressée est une lettre de quelqu'un qui voulait lui emprunter de l'argent ; encore ne s'est-elle conservée que parce qu'elle n'a jamais quitté son expéditeur. Du plus célèbre auteur du monde, nous ne savons, autant dire, rien. Aldous Huxley a dit du Greco, qui mourut deux ans avant Shakespeare et occupa une situation analogue d'éminent artiste de cour, que nous en savons à peine davantage sur la vie qu'il mena en Espagne que sur celle qu'il mena en Crète et en Italie, c'est-à-dire presque rien. C'est néanmoins bien plus que nous n'en savons sur la vie de Shakespeare, dans le Warwickshire et à Londres. La guerre civile et la suppression des théâtres par les Puritains expliquent d'ailleurs fort bien la pauvreté de notre information, et c'est seulement un siècle après la mort de Shakespeare que le premier effort biographique substantiel fut tenté par Nicholas Rowe qui plaça, en tête de son édition des pièces de théâtre, en guise de préface, un Mémoire sur la vie de William Shakespeare, basé sur les traditions locales et les commérages qu'il put recueillir à Stratford. A la fin du XVIIIe siècle, Malone, doué de plus de sens critique, affirme que le récit de Rowe rapporte, en tout et pour tout, onze faits, dont huit sont faux.

« William Shakespeare Étonné de ce que le génie du poète ait été si peu compris par sa propre génération et les suivantes, Matthew Arnold a écrit, dans son sonnet fameux : "Tu as passé sur cette terre sans qu'elle te reconnaisse." On peut en dire autant de l'homme Shakespeare.

Il est encore de nos jours la cible de discussions sans fin malgré les imposants volumes qui nous offrent l'histoire de sa vie et qui sont faits surtout de considérations accessoires et de conjectures.

Nous ne possédons pas une seule ligne tracée de sa main, à l'exception de trois pages douteuses d'une révision de la pièce Sir Thomas More ; pas plus de six signatures légales, quelques-unes passablement abrégées, dont trois posées au bas de son testament, document d'une décevante impersonnalité.

Quelques témoignages fortuits mis à part, il ne nous reste aucun récit contemporain de sa vie, et la seule missive connue qui lui fût adressée est une lettre de quelqu'un qui voulait lui emprunter de l'argent ; encore ne s'est-elle conservée que parce qu'elle n'a jamais quitté son expéditeur.

Du plus célèbre auteur du monde, nous ne savons, autant dire, rien.

Aldous Huxley a dit du Greco, qui mourut deux ans avant Shakespeare et occupa une situation analogue d'éminent artiste de cour, que nous en savons à peine davantage sur la vie qu'il mena en Espagne que sur celle qu'il mena en Crète et en Italie, c'est-à-dire presque rien.

C'est néanmoins bien plus que nous n'en savons sur la vie de Shakespeare, dans le Warwickshire et à Londres. La guerre civile et la suppression des théâtres par les Puritains expliquent d'ailleurs fort bien la pauvreté de notre information, et c'est seulement un siècle après la mort de Shakespeare que le premier effort biographique substantiel fut tenté par Nicholas Rowe qui plaça, en tête de son édition des pièces de théâtre, en guise de préface, un Mémoire sur la vie de William Shakespeare, basé sur les traditions locales et les commérages qu'il put recueillir à Stratford.

A la fin du XVIIIe siècle, Malone, doué de plus de sens critique, affirme que le récit de Rowe rapporte, en tout et pour tout, onze faits, dont huit sont faux. En somme, trois ou quatre pages suffisent à situer les faits essentiels connus de la vie de Shakespeare, de sa naissance à Stratford-on-Avon, en 1563 ou 1564, à sa mort, dans sa ville natale, en 1616. Ce que les actes publics et de moins contrôlables traditions nous livrent sur lui est, généralement, décevant et désobligeant. Mises à part les belles louanges conventionnelles du "suave Will Shakespeare" et de sa "merveilleuse spontanéité", les données plus circonstanciées ne révèlent guère ce qu'on pourrait espérer y trouver.

Certaines traditions en font un fils de boucher, qui aurait continué, pour commencer, à exercer le métier paternel.

Une légende opiniâtre veut que ses exploits de braconnier, suivis d'essais de vengeance au moyen de vers injurieux, l'aient amené à disparaître de sa ville natale.

A dix-neuf ans, il épousa précipitamment une femme de sept ans plus âgée que lui, Anne Hathaway, enceinte de trois mois.

De plus, on enregistra ailleurs, un jour plus tôt, une licence de mariage aux noms de "William Shaxpere et Anne Whateley", celle-ci identique ou non à la précédente (le biographe Ivor Brown opte pour deux identités distinctes).

Après la naissance de sa première fille Susanna, en mai 1583, et des jumelles Hamnet et Judith, en février 1585, on le perd complètement de vue jusqu'en 1592, lorsque le poète Robert Greene l'attaque violemment, l'accusant d'être "un corbeau parvenu paré de nos plumes". On s'est perdu en conjectures sur ce que Shakespeare a pu devenir pendant des années, mais la supposition la plus plausible est qu'il passa son temps à suivre sa voie et à acquérir l'expérience de la scène.

On raconte qu'il garda les chevaux des spectateurs aux portes des salles de spectacles.

Vers 1592, il avait déjà refait les pièces sur Henry VI et, peut être, Richard III et la Comédie des erreurs.

Désormais, pendant quelque vingt ans il vivra à Londres, écrivant une série d'incomparables chefs-d'oeuvre dramatiques, jouant, administrant, acquérant des biens.

Les très sensuels poèmes, Venus et Adonis et le Viol de Lucrèce, ont paru en 1593 et 1594, et la longue série des sonnets, destinés à une circulation privée, s'étend, peut-être, de 1595 à 1598.

L'affaire de la "dame brune" a pu commencer, selon Chambers, dès 1594 ; elle revient non seulement dans tous les derniers sonnets mais réapparaît dans les plus célèbres rôles féminins des pièces tardives, et culmine, à en croire Ivor Brown, dans le personnage de Cléopâtre. Nous savons également que Shakespeare s'est, à deux reprises, refusé à payer ses impôts, et qu'il malmena un certain Wayte, qui en appela aux autorités.

Une légende dit que sa mort a suivi une vaste beuverie.

Bien qu'on ait retrouvé un second testament, où une femme n'hérite que du "deuxième meilleur lit" (attendu que, de toute façon, elle a droit à une part de la fortune), on peut se demander s'il ne s'agit pas là d'une amère plaisanterie sur le compte d'Anne.

Un peu plus de cinquante ans après la mort du poète, sa famille était éteinte. Le buste placé sur la tombe de Shakespeare à Stratford, le seul de ses portraits qui puisse prétendre à quelque authenticité, nous est décrit comme ayant un aspect gauche et une expression insipide : les sourcils en demi-lune sont grossièrement taillés, les yeux au regard fixe trop rapprochés ; le nez est trop petit, par rapport au visage ; une extraordinaire lèvre supérieure recouvre l'inférieure ; et de l'ensemble se dégage une impression de prospérité stupide et pleine de suffisance.

Dover Wilson, qui donne ces détails, ajoute que "tout cela évoque peut-être assez bien l'image d'un opulent boucher retiré des affaires, mais fait grand tort au poète enterré là".

Et c'est pourquoi il place en tête de son The Essential Shakespeare le portrait, dit de Grafton, d'un intéressant jeune homme, né la même année que Shakespeare mais n'ayant de commun avec lui, que certaines mesures semblables à celles de la gravure de Droeshout, reproduite dans le First Folio.

La gravure de Droeshout a été dessinée d'après le "tueur de porc satisfait" de Stratford, que l'on croit modelé d'après un masque mortuaire contemporain et le fait qu'elle ait été publiée sept ans après la mort de Shakespeare nous permet de la considérer comme l'image la plus acceptable qui. »

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