Xavier FORNERET (1809-1884) - Elle (2)
Extrait du document
Xavier FORNERET (1809-1884) - Elle (2) Mon Dieu ! si elle allait mourir ! Si la pelle allait la couvrir, Avec son bec de bois qui ramasse la terre, Si sa soeur ou son frère, Pour la pleurer allaient venir ! Si la cloche toujours au guet Allait donner sa voix qui fait : Mort-mort, mort-mort, en hochant de la tête ; Et que le fossoyeur fit fête, Assis au bord de son creux fait ! Si la grande et jaune bougie Allait flamber sur cette vie Eteinte à tout jamais ! Si le drap noir sous sa croix blanche, Etendant ses bras sur la planche, Allait lui ôter l'air, si encore elle était ! Et si le prêtre aux chants de marbre Allait se mettre à cheminer Pour la conduire sous un arbre Et puis comme tous la laisser ! Si des autres les os allaient tomber sur elle, Dans sa maison construite sans truelle ; Si pour la voir encor j'allais être obligé De chercher dans ces os, son corps inanimé Qui ne répondrait plus A mes cris, à mes larmes ; Qu'on toucherait dessous, dessus Sans qu'il bougeât, - et que toutes les armes Qui viendraient le fouiller n'y trouveraient que chair Molle, et rendant un vent qui empoisonne l'air. Si je ne reconnaissais pas sa bouche ! Si sa figure était farouche ! Si déjà ses traits étaient ravagés ! Si ses beaux yeux étaient rongés ! Si ses dents étaient serrées ! Sous ses lèvres crispées ; Ses lèvres grimaçant, ses dents grinçant l'horreur ! Si sa poitrine était ouverte, Et sa langue découverte, Par son cou déchiré, pendant, Et sa gorge saignant ! Je crois que j'aurais peur. Peur ! eh ! de quoi peur ? d'une morte, Qui dans sa fosse apporte Un coeur à vous lorsqu'il battait, Que vous seul il idolâtrait ? Ce que vous avez eu pendant toute sa vie, Ce qui l'a sans cesse nourrie, Qui de son âme a fait un amour dans son corps, Qu'elle a toujours gardé, sans craindre le remords ? Peur d'une femme à qui vous diriez : Que tu meures ? Je le veux, je le veux! Ne ris pas... tu l'effleures Ce sein sur qui tu mets la pointe d'un poignard ; Craindrais-tu la souffrance ? " Allons, enfonce donc ! enfonce ! " - Et qu'un regard Vous dit en se fermant : " Voilà mon existence. " Des restes d'un tel corps pourrait-on avoir peur ? Je m'y cramponnerais, ainsi qu'un ver rongeur. De deux je ferais un ; j'aime tant, qu'il me semble Que je lierais, chairs, os, entortillés ensemble ; De sorte qu'on dirait en y fixant ses yeux Jamais cet 1 de chair, n'a pu former un 2.
Liens utiles
- Xavier FORNERET (1809-1884) (Recueil : Vapeurs) - Un pauvre honteux
- Xavier FORNERET (1809-1884) - Elle (1)
- Xavier FORNERET (1809-1884) (Recueil : Vapeurs) - Un en deux
- François-Xavier GARNEAU (1809-1866) - Chanson Québec
- François-Xavier GARNEAU (1809-1866) - Le Voltigeur. Souvenir de Châteauguay (1831)