Vérité et politique -- Philosophie
Publié le 27/02/2024
Extrait du document
«
Dossier p.
66-116 : Les mots du texte : Politique, vérité, opinion, action
Le contexte éditorial : The New Yorker
« Le magazine o re à la philosophe la possibilité de faire valoir la nécessité de penser les dangers
de la destruction de la politique à partir de la reconsidération du rapport de l’homme moderne à la
vérité »
« La vérité se fabriquerait-elle, comme tout autre produit ? »
Un dé révélateur
Deux problèmes clari és par l’auteure suite à la parution d’Eichmann à Jérusalem : « dire la vérité
est-il « toujours légitime » ? Comment est-il possible qu’autant de mensonges puissent être
produits sur des faits, qu’il s’agisse du procès lui-même ou de la réalité de ses écrits ? »
Envoyée par The New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann d’avril à mai 1961
Trois problèmes complexes :
- Manière dont les nazis se servirent des organisations de la communauté juive pour plani er
l’émigration et les déportations massives
- Culpabilité allemande (caractère collectif)
- Personnalité d’Eichmann, « absence de pensée »
Des mots qui font sens
Deux interprétations du rapport de l’homme à la vérité critiquées par Arendt :
- Question de la vérité de fait saugrenue, car extérieure ou étrangère aux fondements de l’action
politique
- Sous-estimer les dangers d’une dissolution de toute vérité factuelle
1.
Politique
1.
La vie politique ou l’expérience de la pluralité
(V, 7) « contenu réel de la vie politique » = « la joie et la satisfaction qui naissent du fait d’être en
compagnie de nos pareils, d’agir ensemble et d’apparaître en public, de nous insérer dans le
monde par la parole et par l’action, et ainsi d’acquérir et de soutenir notre identité personnelle et
de commencer quelque chose d’entièrement neuf »
Négation de la vie politique met en danger l’humaine condition
(La Condition de l’homme moderne, V) « C’est par le verbe et l’acte que nous nous insérons dans
le monde humain, et cette insertion est comme une seconde naissance dans laquelle nous
con rmons et assumons le fait brut de notre apparition physique originelle »
Insertion = réponse à la parole et l’action des autres hommes
Pluralité et factualité = conditions positives de la vie politique et du politique
2.
La politique de l’action concertée, contre une politique de la fabrication
« La liberté […] est réellement la condition qui fait que les hommes vivent ensemble dans une
organisation politique » (« Qu’est-ce que la liberté ? », La Crise de la culture)
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Il serait possible de reconnaître que « dire la vérité de fait » a une véritable « importance
politique » (V, 4).
3.
La politique devient une entreprise commerciale et le politique, un faiseur de solutions :
un changement au cœur des deux essais de 1967 et 1971
« Cette « politique du mensonge » fait de la propagande un produit destiné « à la consommation
interne ».
»
Expression « villages de Potemkine » (lieu vide construit en trompe-l’œil à des ns de
propagande) vient de : ministre russe Grigori Potemkine ( n XVIIIe siècle) qui aurait fait réaliser
des façades comme autant de décors voués à tromper l’impératrice Catherine II de Russie sur la
réalité de la pauvreté de son peuple.
Vaste entreprise de dissimulation « au plus haut niveau du
gouvernement ».
« La « prémisse psychologique de la possibilité de manipuler les hommes » devint « l’un des
principaux produits en vente sur le marché de l’opinion ».
»
La politique « est faite pour une part, de la fabrique d’une certaine « image » et, pour l’autre, de
l’art de faire croire en la réalité de cette image »
Pouvoir institué = « aptitude à agir », s’appuie sur l’action concertée, n’appartient à personne
« Pouvoir d’un homme » = sa « puissance »
Souci de la pluralité et du commun remplaçable par stratégie publicitaire des mensonges
« Un pouvoir n’est en rien politique tant qu’il tente de maîtriser ou d’évincer « la condition de
pluralité ».
»
4.
Une approche centrée sur les expériences et les phénomènes politiques
« L’aspiration à l’omnipotence implique toujours […] la destruction de la pluralité » (La Condition
de l’homme moderne, V)
Il peut arriver que le « fait de dissimuler ne camou e pas mais dérobe à l’apparaître » (Journal de
pensée)
5.
Une dé ance vis-à-vis des philosophies politiques
« Philosophie politique » contradiction des termes ? Regard platonicien
Initialement, le chef gouverne « ceux qui sont capables d’exécuter » ; mais là, le chef commande,
l’achèvement devient obéissance et l’exécutions des ordres, le devoir des sujets
2.
Vérité
1.
Une tradition philosophique : erreur, mensonge, vérité factuelle
« La vérité ne peut strictement s’appliquer qu’aux jugements, aux a rmations, aux discours ou
aux signi cations » PAS AUX OBJETS
Spinoza parle d’usage métaphorique du langage « Selon Spinoza, nous pensons que le plus
important réside dans l’espoir que les choses ne nous trompent pas, alors que nous devrions
plutôt être attentifs à ne pas nous tromper sur les choses à force de les juger hâtivement à partir
de nos désirs, mais aussi à partir du respect ou de l’admiration, ou même de la con ance que
nous avons en ceux qui nous en parlent »
« Mensonge organisé » (+ le menteur persuade, - le mensonge est identi able)
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Imagination ≠ raison car raison « liée à elle-même »
Contraire de la vérité de fait = « la fausseté délibérée ou le mensonge » ; le menteur cherche à
« changer la réalité »
2.
Existe-t-il une vérité indi érente ?
Seule « une vérité qui ne s’oppose à aucun intérêt ni plaisir humain reçoit bon accueil de tous les
hommes » (Léviathan, Hobbes)
Vérité la plus facilement acceptable par les hommes : vérité de fait car nécessaire et
« indi érente »
La plus vulnérable : vérité de raison philosophique
3.
Opinion
1.
L’épreuve de la contingence ou le paradoxe des faits établis et révolus
L’opinion concerne les choses contingentes (qui apparaissent et peuvent être autrement)
Paradoxes
— « les faits ont beau être contingents, le possible n’est pas le réel »
—« si la réalité tue « les autres possibilités originellement inhérentes à quelque situation donnée »,
l’histoire doit en même temps établir les faits et les non-faits
2.
Le domaine propre des opinions
Confrontation entre deux approches de l’opinion publique
—James Madison (homme d’État américain, n XVIIIe) : opinion publique est « ce qui garantit un
jugement où la raison s’a ermit « en proportion du nombre auquel elle est associée » »
—Platon : opinion publique est un « gros animal » « qu’il ne faut pas irriter si l’on veut gouverner
dans une démocratie »
3.
L’opposition platonicienne entre la vérité et l’opinion
« Le sophiste et l’ignorant occupent davantage la pensée de Platon que le menteur »
« La sophistique et son usage de la rhétorique ne viseraient en rien la recherche de la vérité, mais
davantage à in uencer « la multitude » »
4.
Les deux modes de l’existence en question
Arendt : « incompatibilité de la vie philosophique (éprise de vérité) avec la vie des citoyens,
reposant sur les opinions, deux modes d’ « existence humaine » totalement distincts »
A propos de la vérité : « quand elle apparaît sur la place du marché » elle « change de nature et
devient opinion »
L’opinion « renvoie à un simple dokei moi (en grec ancien), un « il me semble », éprouvé par la....
»
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